Les catholiques hébréophones d'Israël fêtent les 60 ans de l’Œuvre Saint-Jacques

Jérusalem, 12.08.2015 (cath.ch-apic) L’Œuvre Saint-Jacques à Jérusalem, qui travaille depuis 1955 à la pleine intégration des juifs devenus catholiques dans l’Eglise et dans la société israélienne, vient de fêter ses 60 ans d’existence.

En 1957, le pape Pie XII accordait la permission à l’Œuvre Saint-Jacques de célébrer de grandes parties de la messe latine en langue hébraïque, bien avant que le reste de l’Eglise ait reçu l’autorisation de prier en langue vernaculaire, à la suite du Concile Vatican II.

En 1955, le patriarche latin de Jérusalem Albert Gori promulguait les statuts de l’Œuvre Saint-Jacques. Ce document fondateur en fixa les buts: développer des communautés catholiques; garantir l’existence parmi les croyants d’un solide esprit chrétien sensible au «Mystère d’Israël» (Romains 11,25), enraciné à la fois dans une formation biblique et une spiritualité sensible à la culture judéo- chrétienne; travailler à la pleine intégration des juifs devenus catholiques dans l’Eglise et dans la société israélienne; continuer à sensibiliser l’Eglise à ses racines juives et combattre l’antisémitisme sous toutes ses formes.

Des migrants catholiques s’installent en Israël

Le Père David Neuhaus, vicaire patriarcal latin et responsable du Vicariat Saint-Jacques pour les chrétiens de langue hébraïque d’Israël au sein du Patriarcat latin de Jérusalem, a publié une lettre pastorale à l’occasion du soixantième anniversaire de la fondation de l’Œuvre Saint-Jacques. Le jésuite israélien l’a fait paraître en la fête d’Edith Stein, le 9 août 2015.

L’Œuvre Saint-Jacques, bien avant qu’elle ne soit érigée en vicariat, est née en 1955, lorsque certains catholiques ont réalisé que, parmi les milliers de juifs qui affluaient vers le jeune Etat d’Israël, beaucoup étaient catholiques, confie le Père Neuhaus à la journaliste Manuella Affejee sur le site internet du Patriarcat latin de Jérusalem (fr.lpj.org).

«C’étaient des épouses chrétiennes mariées à des juifs, ainsi que leurs enfants, qui venaient avec leurs familles juives, comme citoyens et membres de la société juive du nouvel Etat. Il y avait également un petit nombre de juifs baptisés dans l’Eglise catholique. Ces derniers avaient connu le même destin que les autres juifs pendant la Shoah, et cette expérience a contribué à renforcer leur propre identité juive. Ils ont commencé à chercher des églises, ont trouvé des églises où l’on parlait arabe, mais aucune où l’on parlait hébreu. L’hébreu n’était pas leur langue maternelle, mais celle de la société dans laquelle ils vivaient, et qui les unissait, car il n’y avait pas d’autre langue commune».

Rassembler «le troupeau perdu»

Le jésuite israélien rappelle que la mission première de l’Œuvre Saint-Jacques était de rassembler «le troupeau perdu», dispersé à travers le pays, et vivant au cœur de la société juive. Les premières communautés ont été établies à Jaffa, Jérusalem, Haïfa et Beersheva. La mission suivante a été de créer une communauté chrétienne hébréophone. Le christianisme n’avait jamais utilisé l’hébreu dans la liturgie ou la théologie, souligne le Père Neuhaus.

«Cette langue était étroitement liée au développement de la tradition juive. C’était donc une étape importante, d’autant plus que tout cela se passait dans les années préconciliaires, celles où l’Eglise commençait tout juste à réfléchir sur ses racines juives et sur l’importance de l’Ancien Testament. La création d’un ‘hébreu chrétien’, grâce au merveilleux travail de talentueux linguistes, liturgistes, théologiens et pasteurs, a été un grand succès».

Nombre de catholiques de culture juive ont choisi la voie de l’assimilation

Une autre mission importante a été de transmettre la foi aux nouvelles générations nées en Israël. «Mais ici, le travail a été moins couronné de succès, les nouvelles générations étant israéliennes, de culture juive, et fortement influencées par les milieux laïcs dans lesquels elles vivaient. L’Eglise leur semblait étrangère et sans intérêt et beaucoup ont choisi la voie de l’assimilation», admet le jésuite israélien. «C’est un défi continuel: essayer d’offrir à nos jeunes une foi chrétienne qui soit attrayante et une identité catholique en hébreu, qu’ils puissent porter comme Israéliens faisant partie de la société juive. Un autre défi important est d’établir un contact et une vraie communion entre les chrétiens arabophones, qui constituent l’Eglise locale, et la nouvelle réalité ecclésiale hébréophone». Actuellement, les catholiques d’origine juive ne sont que quelques centaines en Israël.

Le Père Neuhaus, en charge du Vicariat Saint-Jacques pour les chrétiens de langue hébraïque, assure que ce dernier travaille à développer «des liens forts tant avec les juifs qu’avec nos frères et sœurs chrétiens arabes. Certains parmi nous sont membres de familles juives, et nous faisons tous partie de la société. Nous allons à l’école avec des juifs, nous servons dans l’armée avec des juifs, nous étudions et travaillons avec des juifs, beaucoup se marient avec des juifs. Nous voulons être le visage d’une Eglise qui cherche la réconciliation, le pardon et qui œuvre à un avenir meilleur. Nous avons souvent des juifs qui assistent à nos célébrations, et qui sont engagés dans un travail conjoint de présentation de l’Eglise à la société juive israélienne».

«En pleine communion avec nos frères et sœurs chrétiens arabes»

«Nous sommes catholiques et donc en pleine communion avec nos frères et sœurs chrétiens arabes, poursuit-il. Nous sommes appelés à être sensibles à leurs souffrances, à leurs aspirations, à leurs joies et douleurs. Nous avons plusieurs arabes dans nos communautés; les circonstances les ont amenés à vivre dans des villes juives, où les seules églises présentes sont les nôtres. Nous les accueillons à bras ouverts, et nous croyons qu’en formant ensemble une même communauté, nous pouvons témoigner de notre appartenance au Christ, et promouvoir la justice, la liberté, la paix, l’égalité…»

Une des principales missions du Vicariat Saint-Jacques est de sensibiliser les catholiques aux racines juives de leur foi. «Vouloir sensibiliser l’Eglise à ses racines juives était assez révolutionnaire en 1955, mais après 1965, l’Eglise catholique toute entière est devenue elle-même révolutionnaire en ce sens. L’enseignement de ‘Nostra Aetate’ (Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes du Concile Vatican II, ndlr) et le développement du Magistère de l’Eglise en ce domaine nous ont facilité la tâche, et nous avons été bien évidemment inspirés par les précieuses contributions de saint Jean XXIII, du bienheureux Paul VI, saint Jean Paul II et du pape émérite Benoît XVI. Le pape François est également très sensible à cette dimension de l’identité ecclésiale».


Encadré

L’Œuvre Saint-Jacques accueille aussi les migrants d’Asie et d’Afrique

Après la première fondation à Jaffa en 1955 d’une communauté chrétienne de langue hébraïque en Israël, d’autres qehillot (communautés paroissiales) furent fondées dans d’autres grandes villes: Jérusalem, Tel Aviv-Jaffa, Haïfa et Beersheva. De plus, à ce jour il y a également des qehillot à Latroun, Nazareth et Tibériade. Tandis que nombre de pionniers de la génération des fondateurs sont déjà décédé, une nouvelle génération de prêtres, d’hommes et de femmes consacrés, ainsi que des laïcs, poursuivent l’œuvre de ces derniers et contribuent à la construction de l’Eglise en Israël. Ils continuent à développer la liturgie dans la langue hébraïque, à composer de la musique liturgique en hébreu, à traduire l’enseignement de l’Eglise, à enseigner la catéchèse, à écrire des livres, à engager le dialogue avec leurs voisins et à rendre témoignage en hébreu de leur foi. A ce jour, les catholiques de langue hébraïque ont sept centres en Israël, des messes régulières, des leçons de catéchisme pour les enfants et les jeunes, des cours et des séminaires pour les adultes, des camps de vacances pour les enfants catholiques, des fins de semaines pour les familles, des activités pour les jeunes et des œuvres de bienfaisance pour les pauvres et les personnes dans le besoin.

Cependant, Israël attire aujourd’hui nombre de personnes à la recherche d’un travail ou d’un asile. En Israël, en plus des centaines de catholiques d’origine juive qui ensemble avec des chrétiens d’origine non juive se rassemblent dans les qehillot hébréophones, il y a également des dizaines de milliers de travailleurs immigrés catholiques et demandeurs d’asile dont les enfants sont intégrés dans le système éducatif juif israélien hébréophone. (apic/be)

 

Père David Neuhaus, du Vicariat Saint-Jacques pour les chrétiens de langue hébraïque
12 août 2015 | 16:17
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 6  min.
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