1er août: Regards politiques sur le discours des évêques
St-Maurice, 01.08.2015 (cath.ch-apic) Mgr Joseph Roduit, a rappelé, dans un discours du 1er août écrit au nom de la Conférence des évêques suisses (CES), l’importance pour la Suisse de ses racines chrétiennes. Les personnalités politiques Ada Marra, Christophe Darbellay et Francine John-Calame ont fait part à cath.ch de leurs regards sur ce texte.
-Ada Marra, conseillère nationale, Parti socialiste suisse (PS), Vaud: «J’apprécie le progressisme manifesté par Mgr Roduit!»
La socialiste vaudoise se dit agréablement surprise par le discours de Mgr Roduit. «J’apprécie le progressisme qu’il manifeste dans sa vision de la Suisse qu’il désire». Pour la politicienne, s’il n’est pas essentiel de rappeler les racines chrétiennes de l’Europe, lorsque l’on y fait référence, il s’agit alors de rappeler en quoi la Suisse est chrétienne aujourd’hui. Ada Marra salue surtout la seconde partie du texte de l’ancien Père Abbé de Saint-Maurice, dans laquelle il confronte la réalité helvétique aux valeurs chrétiennes telles que la solidarité , l’accueil de l’étranger, la justice sociale ou encore le respect de la nature. Elle apprécie particulièrement le fait que Mgr Roduit critique «l’exploitation des pauvres par l’extraction de matières premières dans les pays pauvres», et qu’il rappelle qu’»une part importante du commerce de l’alimentation des pays exploités à outrance, se gère dans des bureaux suisses».
La politicienne regrette néanmoins quelque peu un certain manque d’audace et de «modernité» du discours du chanoine dans la première partie. «Ce n’est pas un reproche, mais tous les orateurs du 1er août ont tendance à voir la Suisse à travers le prisme de leurs convictions», confie-t-elle. Elle aurait désiré une introduction de discours plus orientée vers le futur et moins «figée» sur certains mythes de la constitution du pays. Ada Marra aurait ainsi voulu -quand Mgr Roduit se réjouit que les guerres de religions aient été dépassées et qu’il y ait une «volonté œcuménique certaine»- que le religieux porte une vision plus globale de la réconciliation, incluant les autres religions et même les non-croyants. «Les défis auxquelles la Suisse est confrontée aujourd’hui vont largement au-delà de la simple unité entre chrétiens, même si cela est essentiel», souligne la socialiste vaudoise.
-Christophe Darbellay, conseiller national, Parti démocrate chrétien (PDC), Valais: »J’aurais attendu une déclaration forte sur le problème de l’asile»
Le conseiller national valaisan, affirme avoir globalement bien aimé le message de Mgr Roduit. Il décerne une mention particulière à la mise en avant de la dimension historique d’une Europe et d’une Suisse chrétienne. Christophe Darbellay apprécie également les références aux valeurs fondamentales de la Suisse que sont la recherche du consensus, le respect des minorités, ou encore l’œcuménisme. Il décrit néanmoins le passage sur le volet suisse du commerce des matières premières comme «de type altermondialiste et moralisateur» et regrette qu’il manque de nuances. «A propos des étrangers, j’aurais attendu une déclaration forte de l’Eglise sur le problème de l’asile», affirme le président du PDC Suisse. «Pas un mot sur la pire situation depuis la 2e guerre mondiale avec ses 51 millions de personnes en fuite à travers le monde, pas un mot sur les sort des chrétiens d’Orient torturés et décapités alors qu’on fait référence aux origines du Christianisme en début de discours», déplore le Christophe Darbellay.
-Francine John-Calame, conseillère nationale, Parti des Verts, Neuchâtel: »Merci aux catholiques de leur attention à la construction d’une Suisse généreuse, accueillante et solidaire!»
«Ayant été élevée dans la foi catholique, mais n’étant plus pratiquante, je reste néanmoins extrêmement sensible aux messages de tolérance et d’ouverture à l’autre que prône le texte de l’ancien Père Abbé», assure la Verte neuchâteloise. Il est essentiel à ses yeux, pour permettre à ces valeurs de s’épanouir et de se développer, de ne pas visiter l’histoire suisse uniquement à travers les événements positifs, mais de relever aussi ceux qui sont moins louables, voire franchement condamnables. «C’est aussi en reconnaissant ses erreurs et en agissant en accord avec ses valeurs qu’une foi vivante gagne en crédibilité».
Comme Mgr Roduit, Francine John-Calame voudrait croire que les guerres de religions sont dépassées. «Pourtant l’actualité nous rappelle cruellement que les religions sont à la source de nombreux conflits générant trop de victimes pour que je puisse taire toutes ces souffrances», souligne la conseillère nationale.
Elle est par contre convaincue, comme le pape François, que c’est grâce à un œcuménisme respectueux et bienveillant que notre «vivre ensemble» deviendra réalité.
«Si, selon l’ancien Père Abbé, la Suisse a échappé aux pièges des nationalismes et du communisme, il lui reste à faire de sérieux progrès pour éviter ceux liés aux dérives du capitalisme, de la financiarisation, de l’individualisme et de l’égoïsme de notre société», lance néanmoins Francine John-Calame. Elle relève que les discours contre les étrangers et les migrants qui font notre actualité quotidienne sont là pour nous le rappeler. La politicienne reconnaît que les Eglises font un travail «absolument remarquable» dans ce domaine et qu’elles «nous rappellent à notre devoir de solidarité envers celles et ceux qui souffrent de la guerre ou d’une extrême pauvreté».
«Oui, nous devons nous appuyer sur ce que nous avons appris de notre passé pour construire notre avenir et ainsi cultiver et sauvegarder nos valeurs fondamentales. L’étranger a droit au respect, qui lui est dû en tant qu’être humain ayant ses propres valeurs et ses propres croyances», martèle la Neuchâteloise. Elle ne partage néanmoins pas le fait que chaque chrétien ait une mission d’évangélisation, car ce serait reconnaître implicitement que le christianisme est la seule vraie religion. Une vision qui pourrait, selon elle, inciter certaines personnes à louer l’intégrisme, pourtant source de nombreux maux et conflits.
«Je pense qu’en ce jour de 1er août, il est indispensable de s’adresser à tous les Suisses quelle que soit leur religion. Les musulmans, comme les juifs, les bouddhistes et les agnostiques sont les membres égaux de notre patrie», lance Francine John-Calame. Rappelant que les catholiques et plus largement les chrétiens ne sont qu’une composante de la société, elle défend ainsi un pays laïc, dont la religion est une affaire privée qui ne saurait interférer dans le jugement porté sur les uns ou les autres.
«Ceci n’empêche en rien de remercier les catholiques pour leur fidélité et l’attention qu’ils portent à la construction d’une Suisse généreuse, accueillante et solidaire», conclut la conseillère nationale.
(apic/rz)