Tibhirine, une expertise remet en cause la date de la mort des moines

Paris, 06.07.2015 (cath.ch-apic) La date de la mort des sept moines assassinés en 1996 ne correspondrait pas à celle avancée par le Groupe islamique armé (GIA), qui avait revendiqué leur assassinat. Ce sont les conclusions d’un rapport d’expertise médico-légale qui a été présenté jeudi 2 juillet aux familles des victimes selon le journal La Croix.

La thèse officielle a toujours affirmée que les moines de Notre-Dame de l’Atlas, au sud d’Alger, avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par le Groupe islamique armé (GIA). Celui-ci avait revendiqué leurs assassinats, qu’ils dataient du 21 mai. Les têtes des religieux étaient retrouvées le 30 mai le long d’une route. Cette version des faits est aujourd’hui remise en cause par l’expertise médico-légale qui fait remonter le décès à près d’un mois avant la date officielle.

Des photos des têtes, réalisées au moment de l’inhumation en 1996, et transmises aux autorités françaises, sont une des sources de ce rapport d’expertise. «L’état de décomposition observable sur ces images laisse penser que la mort remonte à près d’un mois avant le 21 mai, précise Me Patrick Baudouin, avocat de deux familles de victimes. Cela pourrait concorder avec le témoignage de Karim Moulaï. » Cet ancien agent des services secrets algériens, interrogé le 21 janvier 2015 par le juge Marc Trevidic en charge du dossier, a soutenu que les sept moines avaient été exécutés à la fin avril 1996 par les services secrets algériens.

Décapitation post-mortem

Par ailleurs, « les experts pensent qu’il y a une forte probabilité pour que la décapitation des moines ait eu lieu post-mortem », poursuit Me Patrick Baudouin. Les crânes auraient en outre été enterrés une première fois avant d’être déterrés et déplacés. En revanche, selon l’avocat des familles, « il n’y avait pas d’impact de balles sur les têtes ». Ceci fragilise l’hypothèse d’une bavure de l’armée algérienne qui à l’époque ratissait en hélicoptère la région et n’hésitait pas à tirer sur les bivouacs de supposés islamistes. Pourtant cette hypothèse ne peut pas être totalement exclue selon Me Patrick Baudouin.

Ces nouvelles informations semblent aller dans le sens d’une manipulation pour faire accuser le GIA. Les moines, qui durant cette période de guerre civile, soignaient toutes personnes, y compris les maquisards islamistes, auraient provoqué l’exaspération des autorités algériennes. Devant le refus des moines de quitter leur monastère, les services secrets algériens se seraient résolus à les faire enlever.

Des prélèvements d’ADN indispensables

Le juge Marc Trévidic a déclaré hier que, pour avancer dans l’enquête, la justice avait « vraiment besoin des prélèvements » que les autorités algériennes ne l’ont pas laissé rapporter en France. Le magistrat s’est en effet rendu en octobre 2014 en Algérie pour assister à l’exhumation des têtes des moines. Les cinq experts qui l’accompagnaient ont pu alors pratiquer une autopsie. Mais ils n’ont pas eu l’autorisation des autorités algériennes de rentrer en France avec des prélèvements d’ADN. Les familles des moines de Tibhirine ont alors accusé les autorités algériennes de «confisquer des preuves de ces meurtres». Pour le magistrat français en charge de l’enquête, seuls les prélèvements d’ADN permettront d’avoir des certitudes sur les circonstances de l’assassinat des moines. (apic-cath.ch/lacroix/ce)

Cimetière du monastère de Tibhirine en Algérie où sont enterrés les sept moines assassinés en 1996
6 juillet 2015 | 13:50
par Catherine Erard
Temps de lecture : env. 2  min.
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