Les pauvres toujours plus nombreux à Fribourg
Fribourg, 11 juin 2015 (Apic) «Les personnes pauvres, jeunes et moins jeunes, sont toujours plus nombreuses dans le canton de Fribourg», a déclaré mercredi soir 10 juin 2015 le député socialiste David Bonny.
Le président du Grand Conseil fribourgeois, en ouverture de l’assemblée générale de Caritas Fribourg qui se tenait dans les locaux du couvent des Cordeliers, a rappelé que «la précarité existe chez nous, elle touche une partie de notre population!»
Le premier citoyen du canton a insisté sur le fait que ces personnes vivant dans la précarité ne devaient pas être mises en marge de la société, mais doivent être aidées et intégrées. Et de saluer le travail et l’engagement des collaborateurs de l’œuvre d’entraide catholique qui apportent «un appui essentiel» à de nombreuses familles prises dans la spirale de l’endettement ou dans des difficultés économiques difficiles à surmonter. «Vous leur apportez une lumière, un espoir et des solutions avec un personnel hautement qualifié et engagé!» ¨
Venu également apporter le soutien des autorités fribourgeoises, le président du Conseil d’Etat Erwin Jutzet est tout simplement venu dire «au nom du canton de Fribourg un tout grand merci à Caritas pour son engagement, son humanité et sa mission chrétienne».
La promotion du logement social «a disparu de l’agenda politique»
Beat Renz, président de Caritas Fribourg, a salué les autorités cantonales et la soixantaine de personnes présentes, représentant notamment la Corporation ecclésiastique catholique (CEC) du canton de Fribourg, les paroisses et les communautés religieuses. Il a encouragé les pouvoirs publics à relancer une politique du logement. «Une politique qui permette de répondre aux besoins de toutes les couches de la population, y compris à ceux des couches les moins favorisées». Dans son rapport annuel 2014, il rappelle que Caritas Fribourg reçoit de plus en plus de personnes qui doivent faire face à un loyer qui absorbe 35%, voire 40% du budget du ménage, relevant «qu’on peut avoir l’impression que la promotion du logement social, dans notre canton, a disparu de l’agenda politique».
Exercice 2014 équilibré
L’exercice financier 2014 de Caritas Fribourg présente un résultat quasiment équilibré, avec un léger bénéfice de CHF 1’656 pour un total de charges de près de CHF 1’294’000. L’assemblée générale a élu par acclamation un nouveau membre au sein de son comité: l’entrepreneur Patrick Mayor, de Villargiroud. Cet ingénieur d’origine valaisanne, âgé de 50 ans, est par ailleurs membre du Conseil exécutif de la CEC. L’assemblée a aussi repourvu les fonctions au sein de l’organe de révision de l’association: Rolf Schneider, à Guin, a été réélu réviseur des comptes pour une troisième période de deux ans et Véronique Liechti, comptable et conseillère communale de la commune de Villorsonnens, a été élue en qualité de réviseure suppléante.
Pour mieux soutenir les personnes qui s’adressent à Caritas Fribourg, l’association a engagé un juriste pour renforcer son Service d’accompagnement et consultation sociale. Au cours des cinq dernières années, les consultations ont doublé. En 2014, sur les 1’261 consultations effectuées par ce service, 118 étaient d’ordre juridique, a rappelé la directrice Petra Del Curto.
Augmentation des demandes d’aide
Au regard du contexte économique, social et démographique, l’augmentation des demandes d’aide constatée au cours des cinq dernières années va vraisemblablement se poursuivre. En cause, la tendance au durcissement des normes CSIAS (Conférence suisse des institutions d’action sociale, qui servent de référence en matière d’aide sociale pour l’Etat et les services sociaux) et les restrictions en matière d’assurances sociales, en particulier l’assurance invalidité (AI) et l’assurance-chômage (LACI), sans parler des mesures d’économie de l’Etat (baisse des subsides pour les primes d’assurance-maladie) et de la pénurie de logements à loyer modéré.
Caritas Fribourg vient en aide notamment aux personnes se trouvant juste au-dessus du minimum vital selon les normes CSIAS et ne pouvant donc bénéficier d’une aide des Services sociaux régionaux. Elle soutient également des personnes rencontrant des difficultés à faire reconnaître leurs droits dans différents domaines juridiques, notamment le droit des contrats, du travail, des curatelles, des assurances sociales, de l’aide sociale, du divorce, des poursuites et du chômage.
Quant au Service gestion de dettes et désendettement, qui assure la prise en charge des personnes endettées, le nombre de consultations était en 2014 de 961, représentant 302 ménages avec un revenu mensuel de CHF 5’460.– et un endettement moyen de CHF 70’300.– Le montant des dettes cumulées en 2014 par les ménages suivis était supérieur à 21 millions. Au-delà des prestations de conseils et de prévention de l’endettement, les démarches de ce service ont permis l’assainissement des dettes pour 38% des dossiers suivis, a encore souligné Petra Del Curto.
Encadré
François Mollard déplore les attaques contre les normes CSIAS
Dans un exposé sur les vingt ans de la Loi sur l’aide sociale dans le canton de Fribourg, François Mollard, chef du Service de l’Action sociale (SASoc), a fait le même constat que Caritas Fribourg. Il a ainsi noté qu’avec le durcissement des critères de prise en charge par les assurances sociales, on assistait à un transfert de charges vers les services sociaux régionaux. «Des gens qui reçoivent une rente AI se la voient coupée après 7 ou 8 ans… alors l’aide sociale reste le dernier filet!»
Il souligne aussi que la situation sociale devient plus tendue dans le canton, avec les difficultés croissantes d’accès au marché du travail pour les personnes non qualifiées, le chômage de longue durée et les compléments financiers qu’il faut verser aux «working poors», ces travailleurs pauvres avec un salaire ne permettant pas de vivre sans aide sociale. Il relève encore le problème des jeunes qui sortent de l’école sans formation, le vieillissement de la population, les problèmes de santé, notamment psychologiques, les liens sociaux qui se distendent, et une situation du logement qu’il n’hésite pas à qualifier de «catastrophique pour les personnes à l’aide sociale». Ce sont des millions de francs payés aux régies chaque année!
Dans l’attente du premier «Rapport social»
François Mollard a encore déploré les attaques de plus en plus fréquentes contre les normes CSIAS, et relevé que le canton avait une politique de lutte contre les abus d’aide sociale. Il a enfin rendu hommage au travail des bénévoles, notamment à l’engagement des Eglises, et annoncé la publication d’ici la fin de l’année du «Rapport social» – nouveau nom du «Rapport sur la pauvreté» donnant suite à un postulat déposé au Parlement fribourgeois – qui va fournir une vue d’ensemble sur la situation sociale globale du canton. «C’est une première dans l’histoire fribourgeoise: on disposera enfin d’un outil avec une vue de la distribution des revenus – anonymisés – de tout le canton. Il servira de base pour vérifier et réajuster les décisions à prendre en matière notamment de politique sociale». François Mollard espère que ce rapport donnera aux autorités politiques fribourgeoises un outil de suivi et d’observation pour adapter le cas échéant leur politique sociale. (apic/be)