Beyrouth Place des Martyrs (Photo: flickr)
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Les évêques maronites souhaitent la réintroduction de la fête des «Martyrs libanais»

Beyrouth, 8 mai 2015 (Apic) Les évêques maronites demandent à ce que soit redonné son lustre à la «Fête des Martyrs libanais» célébrée le 6 mai pour commémorer les nationalistes libanais pendus le 6 mai 1916 sur ordre de Jamal Pacha, gouverneur ottoman de la Grande Syrie.

Surnommé depuis «Al-Jazzar» (le Boucher), il avait fait exécuter des musulmans et des chrétiens, dont le Père Youssef al-Hayek. Des dizaines de martyrs ont été pendus par les Turcs en 1915 et 1916, tant à Beyrouth qu’à Damas. Il s’agissait d’intellectuels, de religieux et de journalistes. La commémoration avait été occultée pour ne pas jeter de l’ombre sur les rapports avec la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, fondateur du parti islamo-conservateur de l’AKP (Parti de la Justice et du développement).

«Au cours des années pendant lesquelles Rafik Hariri était Premier ministre – a déclaré à l’agence d’information vaticane Fides Mgr François Eid, procurateur patriarcal maronite près le Saint-Siège – les rapports avec la Turquie s’étaient intensifiés. Erdogan et les Turcs avaient alors demandé que la fête soit abolie, cette dernière les présentant sous un mauvais jour».

De 2007 à 2014, les célébrations officielles de la fête ont été suspendues. Mais le 6 mai dernier, les mères des militaires libanais morts ces derniers temps et celles des militaires enlevés par les djihadistes près de la frontière syrienne se sont rendues devant le monument situé sur la place des Martyrs, à Beyrouth, accompagnée par nombre de personnes, dont des étudiants des écoles chrétiennes.

Une commémoration qui puisse contribuer à préserver l’unité du peuple libanais

Les manifestants ont rempli toute la zone de fleurs et d’affiches, pour rappeler au gouvernement que les martyrs libanais sont célébrés même si les Turcs ne le veulent pas. «En ces temps tourmentés que nous vivons actuellement, avec les sectarismes qui mettent en danger l’unité de la nation libanaise – relève Mgr Eid – il existe le danger que chacun se préoccupe seulement de ‘ses’ morts.

«C’est pourquoi l’Eglise maronite soutient la nécessité de réintroduire une fête des martyrs qui soit véritablement nationale et puisse contribuer à préserver l’unité du peuple libanais». Réunis sous la présidence du cardinal Béchara Rai, patriarche d’Antioche des maronites, les membres de l’épiscopat maronite réunis au siège patriarcal de Bkerké, près de Beyrouth, ont demandé que la célébration de la fête des martyrs soit insérée dans la liste des fêtes nationales. Cette commémoration devrait également servir à honorer tous ceux qui – civils et militaires – sont morts et continuent à mourir pour la défense et au service de la patrie libanaise.

Le souvenir occulté de la «Grande famine»

L’exécution des nationalistes libanais intervint à une époque où la population libanaise était touchée par une famine dévastatrice, qui provoqua au moins 200’000 morts, sans que la population ne reçoive d’aide de la part de l’Empire ottoman. La «Grande famine», qui a frappé le Mont-Liban de 1915 à 1918, a entraîné la disparition de près de la moitié de sa population et dépeuplé des centaines de villages libanais. Cette hécatombe a eu plusieurs causes, notamment le blocus maritime des Alliés contre l’Empire ottoman, qui se battait aux côtés de l’Empire allemand durant la Première Guerre mondiale. Il ne faut pas oublier, avant tout, le blocus terrestre imposé par Jamal Pacha, dont les troupes contrôlaient les principaux accès routiers, auquel s’est ajoutée une invasion de sauterelles qui a détruit toutes les récoltes. Les chrétiens maronites du Mont-Liban furent les principales victimes de cette «arme de la famine» utilisée par les soldats ottomans. Cet épisode, largement occulté, est méconnu de nombreux Libanais. (apic/fides/com/be)

 

Beyrouth Place des Martyrs
8 mai 2015 | 14:32
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 2  min.
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