Genève: «Une interdiction du niqab exacerberait les tensions», affirme Hafid Ouardiri
Genève, 7 mai 2015 (Apic) Une interdiction du niqab et de la burqa dans le canton de Genève «ne ferait qu’exacerber les tensions» entre les communautés, affirme à cath.ch Hafid Ouardiri, président de la fondation pour l’entre-connaissance, à Genève. Le Conseil d’Etat a présenté le 6 mai 2015 les contours d’un projet de loi dans lequel «la problématique du niqab devra forcément être abordée».
«Interdire est rarement un bon moyen de régler les problèmes. Une telle mesure exacerberait les tensions entre les communautés», assure Hafid Ouardiri. Pour l’intellectuel musulman genevois, une interdiction du voile intégral permettrait le développement d’un système de victimisation et servirait les intérêts de ceux qui recherchent la radicalisation. Selon Hafid Ouardiri, un Etat de droit a d’autres moyens que de légiférer pour résoudre les tensions sociales.
Lors de la présentation de l’esquisse du projet de loi sur la laïcité, le conseiller d’Etat Pierre Maudet a reconnu que la problématique du niqab devra forcément être abordée, rapporte le quotidien «La Tribune de Genève» (TDG). Le Conseil d’Etat devra ainsi se positionner d’ici à quelques mois sur ce thème sensible, arguments à l’appui.
Pour l’instant, rien n’indique toutefois que le Canton s’apprête à interdire le voile intégral dans l’espace public, comme l’a fait en septembre 2013 le Tessin en acceptant une initiative populaire, assure le journal. Le groupe de travail sur la laïcité (GTL), qui a rendu un rapport en novembre en vue de l’élaboration du projet de loi dans le cadre de la révision de la Constitution, n’a en effet pas tranché définitivement la question. «S’il devait y avoir interdiction, cela relèverait plutôt d’un risque d’atteinte à l’ordre public, a précisé Pierre Maudet. Il faudra que le groupe interne à l’Etat qui va poursuivre les travaux nous fasse des propositions à ce sujet».
Une reconnaissance pour «ancrer» les communautés dans le pays
L’un des principes importants de la loi sera de définir ce qu’est une communauté religieuse. Seront par exemple exclues celles qui poursuivent des buts lucratifs ou qui ne respectent pas le droit de chacun de croire ou de ne pas croire. L’Etat aura l’obligation d’entretenir des relations avec les communautés religieuses définies comme telles.
Ainsi, aujourd’hui, seules les trois Eglises traditionnelles (Eglise catholique romaine, Eglise catholique chrétienne et Eglise protestante réformée) peuvent recourir à l’administration fiscale – en payant les frais – pour le recouvrement de la contribution religieuse. A l’avenir, entre 20 et 30 communautés reconnues pourraient bénéficier de cette prestation, indique la TDG. Une avancée que salue Hafid Ouardiri, qui souligne que les religions reconnues ainsi de droit public seraient moins assujetties au financement et à l’influence de l’étranger, comme c’est le cas actuellement pour certaines d’entre elles. Une telle mesure permettrait «d’ancrer» ces communautés dans la vie sociale du pays, affirme le président de la fondation pour l’entre-connaissance.
L’intellectuel genevois se réjouit, de manière générale, de la discussion autour de la laïcité. Rappelant qu’il milite depuis plusieurs années pour l’établissement d’une aumônerie interreligieuse auprès des hôpitaux et des établissements pénitentiaires soutenue par l’Etat, il note que les relations entre le Canton et les communautés religieuses aident à consolider la paix civile. (apic/tdg/rz)