Népal: Polémiques religieuses sur fond d'aide aux victimes

Katmandou, 5 mai 2015 (Apic) Au Népal, des polémiques et rivalités religieuses ont surgi sur fond d’aide aux victimes des tremblements de terre, rapporte le 5 mai 2015 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Des nationalistes hindous ont notamment mis en garde contre le «prosélytisme» des organisations chrétiennes.

Dans ce pays himalayen, les rivalités géostratégiques régionales sont restées très présentes jusque dans l’organisation des secours. La Chine populaire a ainsi été très prompte à réagir pour envoyer sur place secouristes et équipes médicales. Mais elle a aussi tenté, en vain, d’empêcher le débarquement d’équipes de secours taïwanaises, assure EdA. C’est toutefois l’Inde, avec qui le Népal partage des liens culturels et religieux très étroits, qui a été la plus rapide à intervenir: ses avions de transport militaires et ses hélicoptères de secours ont été les premiers à se poser à Katmandou, la capitale népalaise, après le tremblement de terre.

Secours canalisés

Dès le 27 avril, Dattatreya Hosabale, l’un des principaux responsables du Rashtriya Swayamsewak Sangh (RSS, Corps national des volontaires), groupe nationaliste hindou étroitement lié au BJP (Parti du peuple indien, au pouvoir à New Delhi), était à pied d’œuvre à Katmandou, pour «coordonner les activités d’aide et de secours» de la branche népalaise du groupe, connue localement sous le nom de Hindu Swayamsewak Sangh (HSS). Dattatreya Hosabale y a rencontré le Premier ministre du Népal, Sushil Koirala, par ailleurs président du Parti du Congrès népalais. Il s’est notamment plaint de la mesure des autorités népalaises visant à ce que les aides et les secours venus de l’étranger passent par le canal de l’administration népalaise. Sur les réseaux sociaux, le RSS faisait valoir l’ampleur de la mobilisation de ses sympathisants et l’importance des fonds mobilisés et des actions engagées pour venir en aide à la population népalaise.

«Les vautours chrétiens»

Dans un pays dont 81% des habitants sont hindous et qui était une monarchie hindoue jusqu’en 2006, l’accent mis sur l’aide humanitaire apportée par des hindous à d’autres hindous n’est pas neutre, affirme EdA. Les membres du RSS ont ainsi mis en garde, sur les réseaux sociaux, contre «les vautours chrétiens» et les agences occidentales qui profiteraient des opérations de secours pour venir faire du prosélytisme auprès des victimes du tremblement de terre.

Au Népal, pays où des partis politiques pro-hindou militent pour la mise en place d’une législation anti-conversion, de telles incompréhensions ne sont pas neutres, estime EdA. A l’Assemblée constituante, des partis, à l’image du Rastriya Prajatantra Party-Nepal (RPPN), militent pour le retour à une monarchie hindoue et ne font pas mystère de leur hostilité à l’encontre des minorités religieuses. Les membres du RPPN ne cachent pas non plus leurs liens avec la Nepal Defence Army (NDA), un groupe terroriste reconnu responsable de plusieurs attentats meurtriers contre les chrétiens et les musulmans ces dernières années, dont l’attentat à la bombe perpétré en mai 2009 à la cathédrale de l’Assomption à Katmandou.

28 millions de Népalais touchés

Dix jours après le tremblement de terre qui a frappé Katmandou et la région alentour, le bilan continue de s’alourdir: 7’200 personnes y ont trouvé la mort et le gouvernement népalais a prévenu dimanche que le bilan définitif serait beaucoup plus élevé, des régions dévastées restant inaccessibles aux secours.

Selon les informations de l’ONU, le séisme de magnitude 7,8 qui a fait trembler la terre le 25 avril dernier a affecté, à des degrés divers, huit des 28 millions de Népalais. 600’000 habitations ont été détruites ou endommagées et le décompte des victimes, tuées ou blessées, continuera d’augmenter à mesure que les zones les plus isolées du pays seront atteintes par les secours.

Dix jours après la secousse, les autorités népalaises ont toutefois déclaré que la phase d’urgence était passée et ont demandé aux secouristes étrangers de quitter le pays, rapporte EdA. L’aéroport de Katmandou, doté d’une piste unique, est saturé et le défi est désormais, dans la capitale, d’héberger au mieux les sinistrés, installés pour l’instant dans seize camps répartis dans et autour de la ville. Toutefois, si la capitale retrouve un semblant d’activité normale, il n’en va pas de même dans les districts de montagne les plus touchés par le tremblement de terre et restés isolés du fait de la rupture des voies de communication et de transport.


Encadré

Une grande solidarité entre les victimes

Katja Remane, responsable de la communication pour l’œuvre d’entraide catholique Caritas Suisse, jointe le 5 mai par cath.ch au Népal, confirme la difficulté pour les secours d’atteindre des régions isolées du pays. Katja Remane est actuellement dans le district rural de Sindhupalchok, à 90km nord-est de Katmandou, qui est le plus sévèrement touché par le séisme du 25 avril. Plus de 80% des maisons y sont détruites. Dans certains villages, ce taux se monte à 95%. L’urgence est actuellement d’atteindre les zones qui ont encore besoin d’aide avant la saison des pluies. Dès le début de juin, les précipitations rendront les routes presque impraticables, et aggraveront encore la situation des sinistrés.

Katja Remane assure que les gens sur place sont très débrouillards et qu’ils se sont vite organisés suite à la catastrophe, ce qui rend l’aide plus facile. Les habitants démontrent une grande solidarité et sont toujours prêts à s’entraider, souligne-t-elle. En coopération avec l’œuvre d’entraide suisse Helvetas, Caritas Suisse fournit principalement des bâches et des systèmes de purification d’eau en prévision de la saison des pluies. Katja Remane indique qu’il n’y a pas de pénurie de nourriture. Les organisations fournissent cependant des semences, car celles-ci ont été écrasées dans la catastrophe. Avec deux experts en reconstruction, Caritas évalue également les besoins dans ce domaine. Elle indique que les Népalais ont réussi à garder un bon moral, même si les nerfs sont à fleur de peau. (apic/eda/rz)

Le séisme au Népal a fait d'énormes dégâts
5 mai 2015 | 16:21
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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