"Cacher ou nier le mal c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser", affirmé le pape (Photo: flickr/catholicism/CC BY-NC-SA 2.0)
Vatican

Le pape reconnaît le génocide arménien

Rome, 12 avril 2015 (Apic) Célébrant une messe pour le centenaire du «martyre» arménien, à la basilique Saint-Pierre, le pape François l’a qualifié de «’premier génocide du XXe siècle’», le 12 avril 2015. Le «cacher ou nier», a-t-il averti, «c’est comme laisser une blessure continuer à saigner». Il a également déclaré qu’»aujourd’hui», «une sorte de génocide» était en cours dans le monde vis à vis des chrétiens ou de personnes tuées pour «leur appartenance ethnique». Lors de la cérémonie, le pape a aussi proclamé le saint arménien Grégoire de Narek (v.950-1005) docteur de l’Eglise universelle.

«Notre humanité a vécu, le siècle dernier, trois grandes tragédies inouïes», a tout d’abord rappelé le pape François en introduisant la cérémonie. «La première est celle qui est généralement considérée comme ›le premier génocide du XXe siècle’, a-t-il assuré, elle a frappé votre peuple arménien – première nation chrétienne – , avec les Syriens catholiques et orthodoxes, les Assyriens, les Chaldéens et les Grecs».

Un devoir de souvenir

«Se souvenir d’eux est nécessaire, a-t-il ajouté, plus encore c’est un devoir (…) cacher ou nier le mal c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser!». Un message d’introduction accueilli par des applaudissements nourris dans la basilique Saint-Pierre. Pour l’heure, la Turquie refuse de reconnaître officiellement la qualification de génocide. L’actuel président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait néanmoins présenté en 2014 les condoléances de son pays aux descendants des victimes.

L’expression ›le premier génocide du XXe siècle’ est directement issue de la Déclaration commune de Jean-Paul II (1978-2005) et de Karekin II, signée à Etchmiadzin (Arménie), 27 septembre 2001. C’est la première fois qu’un pape utilise, dans un discours public, le terme «génocide» pour qualifier ce massacre des populations arméniennes perpétré sous l’Empire Ottoman à compter du 24 avril 1915 et qui fit au moins 1,5 million de morts.

«La méchanceté humaine peut ouvrir dans le monde comme des gouffres, de grands vides, a constaté ensuite le pape François dans son homélie, vides d’amour, vides de bien, vides de vie». Or, «Dieu seul peut combler ces vides que le mal ouvre dans nos cœurs et dans notre histoire». Commentant l’Evangile du jour, l’évêque de Rome a aussi assuré que les plaies de Jésus étaient des «plaies de miséricorde».

Aujourd’hui, un génocide des chrétiens?

Le chef de l’Eglise catholique a ensuite évoqué les deux autres «tragédies» du XXe siècle, «perpétrées par la nazisme et par le stalinisme», puis, «plus récemment, d’autres exterminations de masse, comme celles au Cambodge, au Rwanda, au Burundi, en Bosnie».

«Aujourd’hui encore, a alors ajouté le pape, nous sommes en train de vivre une sorte de génocide causé par l’indifférence générale et collective», évoquant «nos frères et sœurs sans défense, qui, à cause de leur foi au Christ ou de leur appartenance ethnique, sont publiquement et atrocement tués – décapités, crucifiés, brulés vifs-, ou bien contraints d’abandonner leur terre». L’ONG chrétienne Portes ouvertes dénombre actuellement plus de 150 millions de chrétiens persécutés dans le monde. En Irak et en Syrie, les djihadistes de l’organisation ›Etat islamique’ s’attaquent particulièrement aux chrétiens et à d’autres minorités religieuses e t ethniques, comme les Yézidis.

Des silences coupables

«Il semble que la famille humaine refuse d’apprendre de ses propres erreurs causées par la loi de la terreur, a alors regretté le pape, et encore aujourd’hui, il y en a qui cherchent à éliminer leurs semblables, avec l’aide des uns et le silence complice des autres qui restent spectateurs».

Au cours d’une cérémonie teintée d’éléments de liturgie arménienne, comme un chœur arménien du Liban et d’Arménie, ou l’apport d’offrandes par de jeunes arméniens vêtus en habits traditionnels, le pape François a aussi proclamé le moine arménien Grégoire de Narek (v.950-1005) docteur de l’Eglise universelle. Théologien et grand auteur mystique, saint Grégoire de Narek est aussi l’un des plus grands poètes de la littérature arménienne. Il s’est notamment intéressé aux thèmes de la miséricorde divine, du combat spirituel et de l’amour de la vie mystique.

Réconciliation avec le peuple turc

Au terme de cette messe commémorative qui s’est conclue par de vifs applaudissements, le pape François a ensuite salué le président de la République d’Arménie, Serge Sarkissian, le patriarche catholique Nerses Bedrod XIX, et les deux catholicos d’Etchmiadzine et d’Antelias, Karékine II et Aram 1er, tous présents à la célébration.

Il leur a remis un message dans lequel il évoque à nouveau un «premier génocide du XXe siècle’», citant toujours la Déclaration commune de Jean-Paul II et de Karékine II. Dans ce texte, le pape François rappelle également le rôle de Benoît XV (1914-1922) qui «s’efforça jusqu’au bout de l’empêcher» auprès du sultan Mehmet V, et évoque «l’œcuménisme du sang» des martyrs de l’Eglise catholique et de l’Eglise Arménienne apostolique. Le message souhaite enfin «la réconciliation entre le peuple arménien et le peuple turc». (apic/imedia/bl/pp)

«Cacher ou nier le mal c’est comme laisser une blessure continuer à saigner sans la panser», affirmé le pape
12 avril 2015 | 12:15
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 3  min.
Arménie (103), génocide (45), pape françois (2303)
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