Malaisie: Menace sur les libertés civiles
Kuala Lumpur, 8 avril 2015 (Apic) Une série de nouvelles lois font peser une menace sur les libertés fondamentales en Malaisie, dénoncent les milieux pro-démocratie dans le pays. Une proposition d’un parti musulman fondamentaliste de soumettre toute la population de l’Etat du Kelantan à la charia (la loi islamique) intensifie les inquiétudes pour la liberté religieuse.
Le pouvoir en place à Kuala Lumpur, issu principalement du parti UMNO, cherche à faire éclater la coalition, assez hétéroclite, de l’opposition, rapporte le 7 avril 2015 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. C’est ainsi que des observateurs politiques expliquent la demande du PAS, parti islamiste membre de la coalition d’opposition, d’appliquer les ‘hudud’ (ordonnances prévoyant des peines fondées sur la charia) à toute la population de l’Etat du Kelantan, au nord-est du pays. Ce parti, profondément divisé entre radicaux et modérés, souhaite un amendement de la Constitution qui autoriserait ces hudud. Or, la loi fondamentale garantit la liberté de religion à tous, les musulmans étant les seuls à être soumis à la charia. Dans le cas où les hudud seraient rendus applicables à tous, les partis non islamistes menacent de quitter la coalition d’opposition. Certains voient, derrière ces manœuvres qui affaiblissent l’opposition, la main habile de l’UMNO, politiquement en perte de vitesse.
Le prétexte du terrorisme
Au titre de la lutte contre le terrorisme, le Parlement malaisien a également adopté une loi autorisant la détention sans charge de suspects. L’opposition dénonce le renforcement d’un arsenal juridique autorisant notamment les arrestations des personnes critiques à l’égard du pouvoir. L’UMNO contrôlant la Chambre haute du Parlement, la loi a toutes les chances d’être adoptée définitivement sous peu, indique EdA.
Début avril, la police a arrêté 17 personnes soupçonnées d’avoir projeté des attentats en se revendiquant de l’organisation djihadiste Etat islamique (EI). Le groupe, composé de personnes âgées de 14 à 49 ans, prévoyait d’enlever des personnalités en vue, de commettre des vols à main armée pour se financer et d’attaquer des installations militaires et de police pour s’emparer d’armes.
La nouvelle loi et cette action policière interviennent alors que les autorités malaisiennes s’inquiètent des départs vers le Moyen-Orient de certains de leurs ressortissants partis combattre aux côtés de l’EI.
Glissement vers l’islamisme?
Un autre texte encore, présenté le 7 avril au Parlement, prévoit de criminaliser toute offense réalisée dans le but de promouvoir «l’animosité, l’hostilité ou la haine contre une personne ou un groupe, sur la base de son appartenance religieuse». Là encore, le gouvernement a fait précéder sa décision d’actions spectaculaires, indique EdA. Le 30 mars dernier, cinq journalistes en vue étaient arrêtés en rapport à des articles sur l’instauration des hudud au Kelantan.
L’ensemble de ces atteintes aux libertés et de ces manœuvres politiques inquiète en Malaisie. Le 25 décembre dernier, un groupe de 25 dirigeants musulmans malais, dont des anciens hauts fonctionnaires, ont signé une lettre ouverte déclarant que le pays «glissait lentement vers l’extrémisme religieux et la violence». Ils s’y disaient profondément inquiets à propos du radicalisme islamique que le gouvernement en place tolère par calcul politicien. (apic/eda/rz)