L'Uni de Fribourg riposte à l'UDC
Fribourg, 29 janvier 2015 (Apic) Suite à la décision de l’UDC fribourgeoise, prise le 28 janvier 2015, de lancer une initiative contre le Centre suisse islam et société (CIS), l’Université de Fribourg appelle à poursuivre le dialogue.
«Le dialogue scientifique est, plus que jamais, nécessaire», assure le rectorat de l’Université. Il regrette que les opposants ne soient, jusqu’ici, pas convaincus de l’utilité du CIS, destiné à mettre en place une formation continue pour les imams déjà actifs en Suisse et pour les professionnels en contact avec la communauté musulmane. Dans un communiqué publié le 29 janvier sur son site internet, l’Université souligne son autonomie dans les domaines de l’enseignement et de la recherche. Elle considère également que l’échange avec les musulmans représente une contribution aujourd’hui indispensable à une compréhension mutuelle et une intégration réussie.
Une plateforme d’intégration
«Inclure les musulmans dans un dialogue scientifique, soumis à des critères qualitatifs de rationalité, accroît leurs chances d’intégration dans l’espace culturel suisse», assure le communiqué. L’Université de Fribourg comprend sa volonté d’assumer la responsabilité de ce Centre, désiré et financé par la Confédération, comme une prestation au service de la société suisse et une marque de sa capacité à traiter de questions publiques d’une grande pertinence.
Favoriser l’analyse critique
«Comme le montre la décision prise hier par l’UDC fribourgeoise, le rôle de l’islam dans la société est une thématique aussi émotionnelle qu’actuelle, étroitement liée au phénomène de la migration», affirme l’Université. Pour l’institution, le débat public houleux qui a suivi les attentats de Paris souligne la nécessité d’étudier en profondeur la manière dont la communauté religieuse musulmane se perçoit dans l’histoire et aujourd’hui. Une différenciation subtile des diverses orientations au sein même de l’islam est également fondamentale, car la grande majorité de la communauté musulmane se distancie résolument des islamistes extrémistes, explique l’Alma mater. Elle assure que le CIS offrira une plateforme favorisant une analyse critique, tant de la présence de l’islam dans la société, que des réactions sociales qu’elle suscite. «Il contribuera ainsi au développement d’une appréciation exempte de préjugés, importante à la cohésion sociale suisse», affirme le communiqué de l’Université. En lui confiant la création de ce Centre, la Confédération reconnaît la compétence, la tradition et l’ouverture de l’Université, estime le rectorat, qui considère également l’attribution de ce mandat comme une «distinction particulière pour Fribourg, en tant que lieu de formation universitaire».
Encadré 1
Préserver l’héritage catholique de l’Université?
Le comité central du parti conservateur a accepté –par 51 voix contre 0 (5 abstentions) – de lancer une initiative populaire demandant une modification de la Constitution cantonale, rapporte le quotidien romand «La Liberté». L’enjeu est, selon le texte de l’initiative, «d’introduire une base légale n’autorisant pas la création d’un centre islam et société tel que projeté et empêchant ainsi qu’une quelconque formation étatique d’imams soit instaurée».
Les membres du comité ont notamment justifié leur démarche par «l’opacité» qui a entouré la genèse du projet. «On nous a menés en bateau en nous disant qu’il s’agissait d’un centre de formation pour imams, puis en nous affirmant ensuite qu’il s’adressait à des personnes en contact avec des musulmans», a affirmé le député Nicolas Kolly.
Une question d’argent?
La préservation de l’héritage catholique de l’Université de Fribourg a également été invoquée.
Enfin, l’UDC a critiqué le fait, à l’heure où l’Etat de Fribourg prend des mesures d’économies, que de l’argent public soit consacré à un tel projet. Le président cantonal du parti, Roland Mesot, a admis que c’était une bonne idée de transmettre aux imams des connaissances pour qu’ils puissent s’intégrer à la société suisse. «Mais ces connaissances du christianisme, de l’histoire suisse ou de la pédagogie, ils peuvent déjà les acquérir à l’Université. Pas besoin de créer un centre spécifique!», a-t-il lancé.
L’UDC avait dénoncé l’attitude du Conseil d’Etat et de l’Université au lendemain du 10 septembre 2014, après que le Grand Conseil ait accepté–par 52 voix contre 38 et deux abstentions –un mandat demandant au gouvernement d’intervenir auprès du rectorat de l’Université, afin qu’il renonce à la création du CIS. Le mandat n’avait pas été validé, car il manquait quatre voix pour atteindre la majorité qualifiée. En rapport à cela, l’UDC avait considéré que la volonté politique s’orientait très clairement vers un refus du CIS. Les démocrates du centre avaient ainsi invité le gouvernement fribourgeois et l’Université à «tirer les conséquences du vote des députés et à renoncer à la réalisation de ce centre». Sans quoi, avertissaient-ils déjà, le lancement d’une initiative populaire serait envisagé. «J’ai l’impression qu’il y a une volonté d’imposer ce CIS sans tenir compte de la volonté exprimée par les députés», a résumé Roland Mesot. L’UDC va s’attacher maintenant à constituer un comité d’initiative.
Un comité interpartis?
On ne sait pas encore si l’UDC ouvrira le comité à d’autres partis. Le mandat présenté au Grand Conseil a été signé par six démocrates du centre, mais aussi par trois démocrates-chrétiens et un libéral-radical. Roland Mesot a indiqué que quoi qu’il arrive, son parti prendrait le commandement des opérations.
Il a indiqué ne pas être freiné par le fait que le CIS avait déjà commencé ses activités. «Au lieu de mettre le projet en stand-by, le Conseil d’Etat et l’Université ont pris le risque de continuer… Si notre initiative aboutit, ce sera à eux de trouver une solution!», a relevé Roland Mesot.
Encadré 2
Le Centre Suisse Islam et Société
Le Centre Suisse Islam et Société, à l’Université de Fribourg, a officiellement débuté son travail le 1er janvier 2015 sous la direction du Docteur Hansjörg Schmid, éthicien social, et de son assistante, Esma Isis-Arnautovic, spécialiste suisse de l’Islam, indique la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.
Le Centre développera trois domaines de travail: la recherche, l’enseignement et la formation continue. La recherche s’intéressera prioritairement à l’analyse interreligieuse de questions d’éthique sociale. Au niveau de l’enseignement, un programme doctoral «Etudes islamo-théologiques» dans le contexte suisse est en préparation. Enfin, dans le domaine de la formation continue, un bilan et une évaluation des besoins seront menés, au niveau suisse, avec le soutien du Secrétariat d’Etat aux migrations. L’offre de formation continue du nouveau Centre s’adressera, d’une part, aux personnes de confessions musulmanes, œuvrant dans des cercles islamiques (moniteurs, employés de bureau ou enseignants dans une mosquée, par exemple), et, de l’autre, à des non-musulmans en contact avec des musulmans dans le cadre de leur travail (par exemple, dans le domaine du travail social, de l’enseignement, d’entreprises, d’administrations ou d’organisations caritatives).
Le Centre prend en charge un mandat du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). Administrativement, le Centre est rattaché à la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, mais collabore de manière interdisciplinaire avec les autres Facultés. (apic/com/lib/arch/rz)