Liban: Les leaders sunnites condamnent l'attentat de Paris, mais mettent en garde la presse

 

Le Caire/Beyrouth, 8 janvier 2015 (Apic) Alors que des tirs de joie retentissaient dans le camp palestinien de Aïn el-Heloué, au Liban-sud pour célébrer l’attaque sanglante contre le magazine satirique «Charlie Hebdo», au Caire, l’Université Al-Azhar condamnait avec force cet attentat «terroriste». La principale autorité de l’islam sunnite a affirmé que «ces actes n’ont rien à voir avec l’islam ni avec la réalité de la religion islamique».

A l’annonce de cet attentat terroriste, des manifestations de joie se sont déroulées dans le camp palestinien de Aïn el-Heloué, où sévissent des groupuscules islamistes radicaux, selon divers médias libanais. Mais ces actes ne sont toutefois «pas représentatifs de la rue sunnite libanaise qui a largement condamné cet acte de barbarie», relève le 8 janvier 2015 «L’Orient-Le Jour». Mais le quotidien francophone libanais relève que pour les dignitaires sunnites libanais, si le crime est inacceptable, le blasphème aussi.

Ils expriment ainsi «des réserves sur la sacro-sainte liberté de presse». «La liberté de presse doit être pratiquée avec certaines limites. Les sujets sacrés sont une ligne rouge. Nous condamnons la tuerie et, avec autant de véhémence, le fait de tourner les religions en dérision», affirme ainsi un religieux sunnite, cheikh Saleh Hamad, prédicateur d’une mosquée à Minié.

Le dignitaire sunnite tient à préciser que son appel en faveur du respect des religions vaut également pour toutes les croyances et religions monothéistes, «pour le christianisme aussi bien que pour le judaïsme». Le cheikh Hamad préconise le respect des sensibilités religieuses, mais aussi du pays d’accueil, de ses valeurs et culture. «Il faut admettre que nous ne pouvons imposer notre islam sur des sociétés non musulmanes. Après tout, nous sommes chez eux!».

Débordements violents suite à la publication des caricatures de Mahomet

Le journal rappelle que l’on n’a pas encore oublié à Beyrouth les débordements violents du 5 février 2006 suite à la publication, par Charlie Hebdo notamment, des fameuses caricatures de Mahomet. «Lors d’une manifestation, des protestataires sunnites en grand nombre avaient attaqué ce jour-là des commerces et des propriétés dans le quartier chrétien d’Achrafieh, mettant le feu à l’immeuble abritant le consulat danois. A la tête de ce mouvement, cheikh Raed Hlayhel, un salafiste de Tripoli».

Interrogé par «L’Orient-Le Jour», le cheikh salafiste affirme que sa position reste inchangée depuis l’incident des caricatures injurieuses visant le prophète Mahomet en 2006. Le dignitaire sunnite déplore le fait que les médias se bousculent pour solliciter des réactions lorsque leurs confrères sont tués à Paris «et non lorsque le mal, qui a provoqué le crime, a été fait». Il demande de bien saisir les raisons qui ont conduit à ce drame.

Mettre un terme au zèle des caricaturistes attaquant des symboles religieux?

«Lorsque les Etats rejettent l’islam modéré, ils doivent endurer des phénomènes tels que Daech (l’Etat islamique)», affirme pour sa part un autre prédicateur salafiste de Tripoli, qui a requis l’anonymat. Ce dernier s’étonne notamment qu’on n’ait pas mis un terme au zèle des caricaturistes attaquant des symboles religieux.

Reprochant à l’Occident de pousser vers l’extrême une frange de l’islam qu’il aurait pu gagner à ses côtés, le cheikh sunnite craint, au lendemain d’incidents de ce type, qu’il faille attendre une radicalisation subsidiaire des musulmans modérés. «Ils ne respectent pas le sacré et ne ménagent pas les sensibilités des uns et des autres, au nom de la liberté de la presse. Eh bien les autres sont venus leur dire: moi aussi je suis libre et j’agis en conséquence», estime le cheikh salafiste, qui lance une mise en garde à l’Occident. Il l’invite «à gagner l’islam modéré avant que ce dernier ne perde définitivement sa bataille contre l’extrémisme». (apic/orj/be)

 

8 janvier 2015 | 17:58
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 2  min.
Partagez!