Népal: Augmentation inquiétante de l’exploitation des enfants

La majeure partie de la main-d’oeuvre du textile est infantile

Katmandou, 27 novembre 2014 (Apic) Le trafic des enfants et leur exploitation forcée n’ont cessé de croître ces dernières années pour atteindre en nombre le tiers des victimes recensées dans le monde en 2014. C’est le constat présenté par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans un rapport publié le 24 novembre.

Cette étude tombe en pleine célébration des 25 ans de la Convention Internationale des droits de l’enfant, célébrée le 20 novembre dernier, relève l’agence d’information «Eglises d’Asie». Au Népal, qui a été classé à la 5e place du Rapport mondial sur l’esclavage, plusieurs ONG et associations chrétiennes ont profité de cette journée commémorative pour lancer des programmes de sensibilisation à l’esclavage et à la traite des enfants.

Au Népal, la majeure partie de la main-d’oeuvre de l’industrie du textile est infantile et l’on estime à plus de 10’000 les enfants illégalement employés dans les manufactures de tapis. «Le travail des enfants était un phénomène courant dans les années 1990, puis il avait diminué de manière significative grâce au travail de nombreuses ONG dans le pays; mais aujourd’hui, tout recommence de plus belle», analyse Kul Gautam, ancien directeur adjoint de l’UNICEF.

Le nombre des enfants exploités a augmenté dans tous les secteurs d’activité: l’agriculture, les petits métiers de service (cuisine dans les restaurants, vente à l’étalage, etc), les usines, les mines ou les tristement célèbres briqueteries népalaises où ils sont des milliers d’enfants à travailler plus de 16 heures par jour, dans la poussière et la chaleur, portant des charges faisant le double de leur poids.

Une conséquence directe de la guerre civile

Selon Kul Gautam, la hausse significative de l’exploitation infantile ces dernières années est selon lui une conséquence directe de la guerre civile, qui ne s’est achevée en 2006 que pour laisser place à une situation de grande instabilité politique et économique dans laquelle le pays est toujours embourbé.

De nombreux ouvriers et paysans étant partis chercher du travail à l’étranger, un grand nombre de familles fragiles économiquement, se sont retrouvées sans ressources. Par ailleurs, les maoïstes s’étant mis à recruter en masse des enfants soldats, la plupart des parents, craignant qu’ils soient enrôlés de force, ont envoyé leurs enfants dans les grandes villes du Népal où ils se sont retrouvés à la merci de propriétaires d’usines et d’employeurs prêts à exploiter cette main-d’œuvre vulnérable et bon marché. A cette situation déjà critique, s’est ajoutée la nationalisation des manufactures de tapis et d’un bon nombre d’usines par les maoïstes à leur arrivée au pouvoir en 2008.

Une totale absence de volonté politique

Les responsables de la campagne «End Child Slavery» dénoncent «une totale absence de volonté politique». Un constat qui se vérifie également dans les «réseaux de traite» qui sévissent en toute impunité au Népal.

C’est le cas des kamlaris, ces petites filles issues généralement de l’ethnie tharu, pauvre et discriminée, qui sont vendues pour 25 dollars par an comme domestique à tout faire, dans les grandes villes du Népal. Maltraitées, souvent victimes d’abus sexuel, ces filles qui n’ont souvent pas plus de 6 ans lorsqu’elles sont vendues, figurent parmi les populations considérées comme les plus vulnérables par l’UNICEF.

Chaudhary a été kamlari pendant 3 ans avant que l’association Fondation Jeunesse Népal ne la «rachète» à ses employeurs et ne lui permette d’être scolarisée. Aujourd’hui, elle milite au sein de l’association pour faire abolir la pratique des kamlaris. Mais malgré la mort en mars dernier d’une jeune kamlari des suites de brûlures graves infligées par son employeur, aucune des plaintes de ces anciennes domestiques-esclaves n’a pu aboutir. «Nous n’allons quand même pas faire une descente de police dans chaque famille de Katmandou pour vérifier s’ils emploient des domestiques illégales!», se justifie un représentant du ministère de la Femme, de l’Enfant et de la Condition sociale.

L’inaction des pouvoirs publics face à la prostitution infantile

Selon les associations de défense des droits de l’enfants, c’est toujours l’inaction des pouvoirs publics népalais qui permettent également aux réseaux de prostitution infantile de prospérer.

Caritas-Népal, qui lutte contre ce fléau en très forte progression, relève que plus de 20’000 jeunes népalaises sont victimes chaque année des trafiquants, et se retrouvent dans les bordels de l’Inde voisine. Pamela Gurung, qui travaille au sein de l’organisation catholique, participe régulièrement à des «opérations de sauvetage» à la frontière indo-népalaise. Une douzaine de filles par jour sont ainsi arrachées aux réseaux de prostitution, sous les yeux blasés de «la police aux frontières qui souvent participe elle-même au trafic». (apic/eda/bb)

27 novembre 2014 | 17:25
par webmaster@kath.ch
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