Les défis d'Urs Brosi, chef de service catholique dans l'aumônerie de l'armée suisse

Plus que 200 aumôniers pour 180’000 soldats

Weinfelden, 2 avril 2014 (Apic) Les Eglises chrétiennes assistent à une diminution de leurs membres, et le nombre d’étudiants en théologie est également à la baisse. Dans cette situation, il semble logique que ce même phénomène touche également l’aumônerie militaire. Les Eglises pourraient envoyer 300 aumôniers, et ils ne sont que 200 en service actuellement, pour 180’000 soldats. Urs Brosi, 49 ans, est le premier non prêtre chef de service catholique dans l’aumônerie de l’armée suisse. Il explique à l’Apic les défis rencontrés actuellement par l’aumônerie sous les drapeaux.

«Il n’y a que la question du personnel qui nous préoccupe», affirme sans détours Urs Brosi. Le travail de l’aumônier à l’intérieur de l’armée n’est pas remis en question. Ce qui le réjouit et l’étonne en même temps. Car la proportion de sans religion et de membres des autres religions est en hausse parmi les recrues. Mais la «théorie de l’aumônier», à savoir sa rencontre avec les recrues sur les places d’armes, n’est pas un enseignement religieux au sens premier du terme. Les thèmes du quotidien ou une impulsion chrétienne pour une réflexion sur la vie constituent la base de discussion entre l’aumônier et les militaires qui lui sont confiés. Ou encore les problèmes rencontrés dans la caserne par une cohabitation à laquelle les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus vraiment habitués. De plus, il arrive fréquemment que l’un ou l’autre jeune cherche à rencontrer personnellement l’aumônier au terme de la rencontre de groupe.

L’aumônerie militaire est actuellement assumée par des représentants des Eglises catholique et réformée. En automne 2014, les deux premiers représentants de l’Eglise catholique chrétienne débuteront leur formation. Urs Brosi espère que d’autres se présenteront. Le recrutement des candidats se poursuit sans relâche. Un cycle de formation est lancé tous les deux ans. Le prochain est prévu en automne 2014. Ce n’est qu’au terme d’une formation conclue avec succès que les aumôniers sont aptes au service.

Ouvert aux laïcs depuis 1987

Depuis 1987, le service d’aumônerie dans l’armée n’est plus réservé aux prêtres et aux pasteurs. Il s’est alors ouvert aux diacres, aux théologiens laïcs et aux autres agents pastoraux reconnus et recommandés par les Eglises. Ce changement est lié à une compréhension différente de la tâche de l’aumônier, explique Urs Brosi. Aujourd’hui, lorsqu’une célébration a lieu dans le cadre militaire, elle prend une forme œcuménique et non sacramentelle. Autrefois, il s’agissait davantage de messes ou de cultes. Le changement est également visible avec l’engagement d’Urs Brosi. Avant lui, tous les chefs de service catholiques ont été des prêtres. Le changement a été décidé avec le consentement de la Conférence des évêques suisses, qui a toujours un droit de participation à la nomination et a toujours opté jusqu’à présent pour un prêtre.

Les aumôniers accomplissent leurs tâches – sur une journée ou une semaine, selon leur incorporation – en plus de leur engagement civil. Ce sont des hommes – très rarement des femmes – qui ont terminé leurs études de théologie ou ont suivi une autre formation et sont engagés comme agents pastoraux au service de leur Eglise. Ils ont également accompli l’école de recrues. Les personnes qui répondent à ces critères sont de plus en plus rares, souligne Urs Brosi.

Peu de théologiennes parmi les militaires

Quelle solution à ce problème? D’abord, le manque d’agents pastoraux – prêtres comme laïcs – touche l’ensemble de l’Eglise, souligne le chef de service catholique, qui est secrétaire général de la corporation ecclésiastique catholique dans le canton de Thurgovie. Ensuite, ajoute-t-il, la proportion de femmes actives en pastorale est en augmentation. Ce qui est positif pour l’Eglise, mais il est très rare qu’une théologienne a accompli l’école de recrues. Il faudrait vraiment beaucoup d’engagement personnel et de motivation pour qu’une femme engagée dans l’Eglise fasse de l’armée et devienne ainsi candidate à l’aumônerie.

Mais il sera peut-être bientôt possible pour un agent pastoral – homme ou femme – de remplacer l’école de recrues par une formation militaire de base de trois semaines. Le nombre croissant d’agents pastoraux étrangers est également positif, mais ça ne résout pas le problème de manque d’aumôniers militaires car seuls les citoyens suisses peuvent s’engager.

Vocations tardives

D’autres éléments jouent un rôle important, comme les chemins de vie toujours moins directs et les réformes de l’armée. Autrefois, ceux qui entamaient des études de théologie le faisaient directement après le collège. Ils terminaient leur parcours universitaires vers 26 ans et se mettaient au service de l’Eglise. Mais aujourd’hui, toujours davantage de personnes de plus de 30 ans s’intéressent à œuvrer au service de l’Eglise alors qu’elles ont une tout autre formation de base. Or, la dernière réforme de l’armée, en 2004, place la limite d’âge des militaires à 34 ans. Par conséquent, beaucoup de théologiens n’entrent plus en ligne de compte pour se lancer dans l’aumônerie militaire. Une fois l’arme déposée, la barrière psychologique pour refaire du service est trop haute, affirme Urs Brosi.

«Il n’y a actuellement pas de véritable solution», affirme le chef de service catholique, tout en soulignant que le problème va diminuer si l’armée réduit encore ses effectifs. Pour le moment, la situation est sous contrôle. Une solution possible serait d’être surtout présents dans les unités dans lesquelles les recrues sont davantage susceptibles d’avoir des difficultés en raison de leur environnement social ou de leur situation professionnelle. Ce qui signifierait de renoncer au projet de base consistant à couvrir l’ensemble des besoins spirituels dans l’armée.

Urs Brosi a été un des premiers laïcs à avoir suivi la formation d’aumônier militaire. On remarque sur ses expressions que cette activité lui procure beaucoup de plaisir. Et il ne le cache pas: «Dans le cade de l’aumônerie, durant un temps donné je peux accomplir bien davantage d’activité pastorale que dans n’importe quelle autre situation. Et cette activité se déroule avec une frange de la population que je peine à atteindre au civil: les jeunes gens». Dans un contexte militaire, les recrues sont beaucoup plus ouvertes au contact avec un représentant de l’Eglise qu’au civil, affirme Urs Brosi. Et le fait de pouvoir mener une bonne discussion avec les recrues constitue également un enrichissement pour soi-même, souligne-t-il.

Encadré 1:

A la tête des quelque 200 aumôniers militaires

Depuis l’automne 2013, Urs Brosi exerce la fonction de chef de service catholique dans l’aumônerie de l’armée suisse. Le théologien, secrétaire général de la corporation ecclésiastique catholique du canton de Thurgovie, se trouve à la tête des quelque 200 aumôniers militaires en compagnie de Christoph Sigrist, pasteur au Grossmünster à Zurich et chef de service désigné par l’Eglise réformée. Leurs mandats s’étendent jusqu’à la fin 2014.

Encadré 2:

Conditions d’admissions

Pour être nommé aumônier militaire, selon les règlements de l’Armée suisse, il faut remplir les conditions suivantes:

– Accomplissement avec succès, d’une école de recrues ou d’une instruction de base spécifique militaire d’une durée minimale de 47 jours;

– Etre apte au service militaire;

– Etre prêtre, pasteur ou théologien, avoir une formation académique en théologie ou un titre équivalent et avoir été ordonné par l’autorité ecclésiastique compétente; ou avoir été nommé prêtre, diacre ou assistant pastoral par l’ordinariat diocésain ou le supérieur de l’ordre;

– Etre recommandé par l’autorité ecclésiastique compétente ou l’ordinariat diocésain.

(Source: Etat-major de conduite de l’armée)

Encadré 3:

Aumônerie de l’armée suisse

Un aumônier accomplit 300 jours de service, jusqu’à l’âge de 50 ans. Actuellement, trois agents pastoraux exercent une activité d’aumônier militaire à temps partiel pour palier un peu à la pénurie. En mars 2014, l’effectif des aumôniers est de 94 du côté catholique (mais aucune femme) et de 105 du côté réformé (dont une femme). Des catholiques chrétiens seront engagés dès l’automne 2014, mais aucun projet d’extension vers d’autres confessions chrétiennes ou d’autres religions n’est actuellement en projet.

Indications aux rédactions: des images en lien avec cet article peuvent être commandées à kipa@kipa-apic.ch . Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.

(apic/am/bb)

2 avril 2014 | 16:22
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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