Syrie: Appel du patriarche grec melkite en faveur de Maaloula, lieu sacré pour les chrétiens
Les islamistes attaquent un important symbole chrétien en Syrie
Damas, 6 septembre 2013 (Apic) L’attaque par les jihadistes du Front Al-Nosra contre la bourgade chrétienne de Maaloula a provoqué la fuite de la grande majorité de ses 3’000 habitants. Maaloula est l’une des perles de l’îlot chrétien du Qalamoun, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Damas, où est encore parlé l’araméen, la langue de Jésus. Cette agression «constitue une blessure profonde» pour tous les Syriens, en raison de la valeur historique, culturelle et spirituelle de ce haut lieu chrétien, a déclaré le 6 septembre 2013 le patriarche grec-catholique melkite d’Antioche Grégoire III Laham.
Selon une information de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) publiée le 5 septembre, des jihadistes du Front Al-Nosra, aux cris d’»Allahu Akbar», se sont emparés la veille d’un poste militaire à l’entrée de Maaloula, après avoir commis une attaque suicide et tué les soldats et les miliciens qui occupaient un barrage routier à l’entrée de la bourgade historique. Maaloula fait partie des 20 biens syriens inscrits par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial.
«Le tour des chrétiens est arrivé», répète l’ASL
Selon un prêtre du village interrogé le 6 septembre par l’agence de presse catholique AsiaNews à Rome, «en détruisant les croix, les extrémistes veulent lancer un message précis: le tour des chrétiens est arrivé, maintenant tout peut arriver!» Les rebelles islamistes ont détruit les croix de la coupole du monastère de Saint Serge. «Leur acte est une déclaration de guerre à la communauté chrétienne».
Le prêtre dénonce le comportement de l’Armée syrienne libre (ASL), qui a toujours nié – au plan international – ses liens avec les terroristes d’al-Qaïda, et prétend défendre les églises et les chrétiens. «De tels films diffusés sur Youtube ne sont que de la propagande. L’Armée syrienne libre n’a de libre que le nom. En réalité, cela fait longtemps que ses hommes armés menacent les chrétiens, répétant que tôt ou tard, ce sera aussi notre tour!».
Ce qui désole le plus le prêtre – qui veut rester anonyme pour raison de sécurité – est la présence de certains musulmans du village parmi les islamistes qui ont attaqué la communauté. «Jusqu’à maintenant, la majorité de la communauté musulmane est avec les chrétiens, et le cheikh a condamné les attaques, affirmant que ce qui arrive est contre l’islam (…) Les combattants ne respectent même pas les leaders musulmans locaux, qui sont, comme nous, impuissants face à toute cette haine».
L’arrivée des combattants islamistes dans cette terre sainte prisée par les ermites et les pèlerins chrétiens depuis deux millénaires, a créé la panique parmi la population chrétienne. Le patriarche melkite a déclaré le 6 septembre à l’agence d’information vaticane «Fides» que «80% de la population du village, terrorisée, s’est enfuie à Damas. Jeudi, les évacués, meurtris, sont venus pleurer au Patriarcat grec-catholique avant de se rendre au Patriarcat grec orthodoxe. Nous avons cherché à les réconforter par tous les moyens. Maaloula est un lieu sacré pour nous tous, mais avant tout, ce sont ses habitants qui le sont. L’homme est le saint temple de Dieu. Les groupes armés sont désormais retranchés dans le village, formé de maisons construites sur les rochers. Ce qui fait que toute action de force visant à les déloger pourrait signifier la destruction de la localité».
«La croix qui surmontait la coupole du monastère des Saints Serge et Bacchus n’existe plus. Elle a été supprimée par les groupes armés jihadistes qui ont attaqué et pris Maaloula mercredi. La petite ville est considérée par tous les Syriens comme un lieu sacré et où est encore parlé l’araméen, la langue de Jésus. Les églises Saint Léonce et Saints Côme et Damien ont, elles aussi, été touchées», note «Fides». Les groupes armés qui, depuis trois mois, se trouvaient sur la colline qui domine le village, en sont descendus et ont attaqué le barrage militaire se trouvant à l’entrée du village. «Ils sont ensuite entrés dans le village, ouvrant le feu sur les maisons et blessant trois civils».
Les rebelles, qui se disent membres de l’ASL, affirmaient le 6 septembre s’être retirés de l’une des entrées de Maaloula dont ils avaient pris le contrôle mercredi. Ils ont dit vouloir préserver les monuments religieux et archéologiques de cette antique cité chrétienne connue dans le monde entier. Ces dernières années, les Pèlerinages Bibliques de Suisse Romande (PBR) à Genève organisaient des pèlerinages en Syrie, en passant par le haut lieu de Maaloula.
Encadré
Haut lieu de pèlerinage chrétien, Maaloula, «l’entrée» en araméen, est lové au fond d’un amphithéâtre de pierre couronné par le monastère grec-catholique de Saint-Serge, Mar Sarkis. Le couvent, datant de l’empereur Constantin, a été construit en l’honneur des saints Serge et Bacchus, deux officiers romains d’origine syrienne exécutés en 297 pour avoir refusé de sacrifier aux idoles.
Du plateau, la route des pèlerins redescend ensuite vers l’entrée d’un canyon assez étroit et impressionnant qui ramène vers le village par le défilé de Sainte-Thècle. Cette dernière, fille du gouverneur romain d’Iconium (l’actuelle Konya, en Turquie), abandonna tout pour suivre saint Paul. Elle est l’une des saintes les plus populaires de l’Orient chrétien. Le monastère des sœurs grecques-orthodoxes de Mar Takla est construit au pied de la grotte où la sainte chercha refuge et passa le reste de sa vie en prière. La foule venue de loin s’y presse: il y suinte une eau dont les vertus miraculeuses guériraient les rhumatismes notamment. (apic/be)