Le dimanche 5 mai, les orthodoxes célèbrent Pâques dans le monde entier
Ils fêtent la Résurrection du Christ selon le calendrier julien
Fribourg, 2 mai 2013 (Apic) Alors que les catholiques dans le monde entier – à l’exception des grecs-catholiques de rite byzantin utilisant comme les orthodoxes le calendrier julien – ont fêté Pâques le dimanche 31 mars 2013, les chrétiens orthodoxes célébreront la fête de la Résurrection du Christ le 5 mai. Soit cette année, avec 5 semaines d’intervalle. Ce qui complique la vie de nombreuses familles chrétiennes issues de mariages mixtes entre catholiques, orthodoxes et protestants.
En Terre Sainte, par exemple, ces familles mixtes ne pouvaient pas jusqu’ici fêter Pâques le même jour puisque les catholiques suivent le calendrier grégorien, issu de la réforme initiée par le pape Grégoire XIII en 1582, et les orthodoxes, le calendrier julien, utilisé suite à la réforme du calendrier romain introduite par Jules César en 46 avant Jésus-Christ. Le Concile de Nicée établit que Pâques doit tomber le dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps. Le calendrier grégorien a été conçu au XVIème siècle pour corriger la dérive séculaire du calendrier julien jusqu’alors en usage.
Même si la majorité des Eglises orthodoxes ont adopté, entre 1923 et 1963, le calendrier grégorien, quelques unes ont cependant gardé le calendrier julien. Il s’agit de la République monastique du mont Athos et quatre Eglises orthodoxes – de Jérusalem, de Russie, de Géorgie et de Serbie. Cependant, pour tous les orthodoxes, la date de Pâques est partout fixée à partir du calendrier julien. Elle est donc commune à toutes les Eglises orthodoxes, à la seule exception de l’Eglise autonome de Finlande, qui utilise intégralement le calendrier grégorien.
Le Patriarcat latin fête Pâques 2013 avec les orthodoxes
Pour la fête de Pâques, dans deux ans, tous les catholiques de rite oriental et latin des diocèses de Terre Sainte adopteront le calendrier julien, qui est resté celui des orthodoxes, après l’approbation par le Saint-Siège du décret rédigé par l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS).
Les évêques des Eglises catholiques de Terre Sainte avaient le choix de commencer l’expérience dès 2013, et c’est la décision qu’a prise le Patriarcat latin de Jérusalem pour son diocèse, exceptions faites à Jérusalem même et dans la région de Bethléem. Les communautés de ces deux villes continueront à suivre le calendrier grégorien tant pour respecter les dispositions imposées dans la Cité Sainte par le système du «Statu quo» – qui règle la coexistence des différentes églises chrétiennes dans les Lieux Saints – que pour tenir compte de l’afflux des pèlerins qui viennent du monde entier pour célébrer Pâques à Jérusalem et à Bethléem.
La nouveauté concerne principalement les paroisses du Patriarcat qui se trouvent en Israël, car les paroisses du diocèse du Patriarcat latin, de Jordanie, de Chypre et d’une grande majorité de la Palestine avaient déjà tenté auparavant avec succès l’expérience de l’unification des dates sur le calendrier julien.
Pour comprendre pourquoi il existe une telle différence de dates pour la célébration de Pâques – 5 semaine d’intervalle cette année ! – l’Apic a rencontré Constanta Golovatiuc, doctorante en Sciences Liturgiques à l’Université de Fribourg.
Dès le début, la fête de Pâques a été célébrée par l’ensemble du monde chrétien. Cependant, il y avait déjà des différences régionales en ce qui concerne les dates et la manière de célébrer, explique-t-elle.
Dans les premiers siècles, dans certaines parties de la Syrie et d’Asie Mineure, les chrétiens fêtaient la Pâque le 14 Nissan (avec les juifs), mais la nommaient «la Pâque de la Croix», et trois jours après, le 16 Nissan, ils fêtaient «la Pâque de la Résurrection».
On appelle «Quartodecimani» les chrétiens ayant conservé durant de nombreux siècles l’observance de la Pâque à la date du 14 Nissan, à l’instar de la Pâque juive.
Les chrétiens d’Antioche célébraient par contre Pâques le dimanche, mais faisaient en sorte que le dimanche tombe toujours dans la semaine des pains sans levain, célébrée par les Juifs. A Rome aussi, les chrétiens fêtaient Pâques le dimanche de la semaine pascale.
Ces différences de date ont créé les controverses et les divisions dans certaines Eglises
Ces différences de date pour la fête de Pâques ont créé les controverses et les divisions dans certaines Eglises, assure la doctorante orthodoxe. Pour assurer l’uniformité de la célébration du jour de Pâques, le premier Concile œcuménique de Nicée, en 325, a établi que Pâques serait toujours le dimanche après la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps.
Lorsque la date de la Pâque juive (soit le 14 Nissan) tombe un dimanche, la Pâque chrétienne est fêtée le prochain dimanche, pour ne pas être célébré avec la communauté juive, ni devant elle, note Constanta Golovatiuc. Le Concile de Nicée a établi que la date de Pâques de chaque année serait calculée par le Patriarcat d’Alexandrie, et qu’il la communiquerait au bon moment aux autres Eglises chrétiennes.
Le Concile de Nicée fixe la date de Pâques
La date de Pâques dépend de deux phénomènes naturels: une date fixe – l’équinoxe de printemps – et une date variable – la pleine lune. Ce dernier phénomène fait que la date de Pâques varie chaque année, parce que la pleine lune pascale est certaines années plus proche de l’équinoxe et dans d’autres plus éloignée. Encore aujourd’hui la date est fixée en fonction de l’équinoxe de printemps (21 mars) et de la pleine lune (d’où sa «mobilité»).
Le manque d’uniformité dans les dates de Pâques est le résultat de l’utilisation de différents calendriers, rappelle la doctorante. Elle note que toute la chrétienté a adopté dans un premier temps le calendrier conçu par l’astronome Sosigène d’Alexandrie, en 46 av. J.-C, du temps de Jules César. Ce calendrier comporte un retard de 11 minutes et quelques secondes sur le calendrier astronomique. Ainsi est né le problème de la détermination exacte de la date de Pâques. Une première correction de ce calendrier a été faite en l’an 8 av. J.-C, et le deuxième redressement a été fait en 325, au premier Concile œcuménique de Nicée, sans toutefois corriger les erreurs du calendrier julien.
En l’an 540, le moine Denys le Petit a été chargé par le chancelier papal Bonofatius de concevoir une méthode pour déterminer la date de Pâques selon la «Règle alexandrine», telle qu’édictée au premier Concile œcuménique de Nicée. Cette règle a été adoptée petit à petit dans tout l’Occident.
Un écart actuel de 13 jours
Cette unité a duré jusqu’à la réforme du pape Grégoire XIII qui, en 1582, fit un troisième redressement du calendrier. Lorsque Rome adopta le calendrier grégorien, il fut décidé de rattraper 10 jours de retard sur le soleil, en passant sans transition du jeudi 4 octobre au vendredi 15 octobre 1582. Cela eut aussi pour conséquence de décaler les calendriers julien et grégorien de 10 jours à cette date, écart qui s’est ensuite creusé, étant actuellement de 13 jours.
Le calendrier de Denys le Petit ne correspondant plus au nouveau calendrier grégorien, à partir de 1583, ce n’est plus que par hasard que l’Orient et l’Occident ont quelquefois célébré Pâques à la même date.
«Malheureusement, aujourd’hui encore, souligne la spécialiste de la théologie orthodoxe, il n’y a pas d’uniformité à cet égard entre l’Occident et l’Orient chrétien. J’ai été touchée par le message d’un prêtre catholique romain à qui j’ai envoyé les vœux de Pâques. Il m’a répondu qu’il me souhaitait une sainte préparation de la Pâque orthodoxe en espérant de pouvoir célébrer un jour tous ensemble la fête de la Résurrection». (apic/be)