«Les réquérants d'asile ne sont pas d'abord un problème, mais ils ont un problème»
Berne : Les Églises chrétiennes contre le durcissement de la loi sur l’asile
Berne, 2 mai 2013 (Apic) Les Églises de Suisse rejettent les durcissements prévus par les modifications urgentes de la loi sur l’asile soumises à votation populaire le 9 juin prochain. Elles l’ont réaffirmé le 2 mai 2013 lors d’une conférence de presse commune au centre pour requérants d’asile de Köniz, près de Berne.
«Les requérants d’asile ne sont pas d’abord un problème, mais ils ont un problème», a d’emblée relevé Mgr Martin Werlen, en tant que représentant de la Commission Justice et Paix de la Conférence des évêques suisses. L’Abbé d’Einsiedeln a rappelé que le point de touche de toute la discussion sur le droit d’asile est la dignité de chaque personne qui ne dépend pas de la nationalité ou de l’appartenance à une communauté religieuse. Ou pour reprendre la parole de Jésus «j’étais étranger et vous m’avez accueilli».
«Les abus perpétrés par les requérants d’asile comme par nos compatriotes doivent être combattus par les moyens qu’offre le droit pénal. Nous ne devons pas considérer la misère d’autrui comme un simple problème qu’il faut combattre. En durcissant la loi nous faisons fausse route, estime-t-il.
Requérant n’est pas synonyme de délinquant
Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’asile en 1981, 10 révisions ont été entreprises pour la durcir. Ces durcissements n’ont rien pu changer au fait que des êtres humains doivent fuir leur pays et viennent demander l’asile en Suisse. Ce qui a changé par contre est que désormais tous les requérants d’asile sont soupçonnés d’être des délinquants cherchant uniquement à exploiter notre État social, déplorent les Eglises.
Même avec la modification de la loi sur l’asile la situation ne changera vraisemblablement pas, a renchéri Simon Röthlisberger, chargé des questions de migration de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Il dénonce une démarche essentiellement symbolique qui n’apporte aucune vraie solution.
Les Eglises pointent trois situations particulièrement problématiques du point de vue des droits fondamentaux de la personne humaine. La suppression de la possibilité de déposer une demande d’asile auprès des ambassades jettera les requérants sur la route d’un exode risqué dans les mains de passeurs ou alors les poussera à la clandestinité. Cette mesure s’en prend clairement aux plus faibles. Le deuxième point noir est la limitation des délais de recours. Or faire recours est un droit parfaitement légitime et ne doit pas être considéré comme un abus, relève Simon Röthlisberger. Enfin la création de centres spéciaux pour les requérants «récalcitrants» est la porte ouverte à tous les arbitraires. «Qui définira le caractère «récalcitrant» d’une personne et selon quels critères ?» s’interroge le représentant de la FEPS.
Christoph Schuler, curé de la paroisse catholique-chrétienne Sts Pierre et Paul à Berne, a insisté sur l’importance pour l’Eglise de faire entendre une voix commune sur ce sujet. Elles ne font que répondre à l’appel biblique du Deutéronome qui invoque un Dieu «qui rend justice à l’orphelin et à la veuve et qui aime l’émigré en lui donnant du pain et un manteau» (Dt, 10,18-19)
Le demandeur d’asile Calvin
Au reproche de s’immiscer dans les affaires politiques, les Eglises répondent que là où l’humanité est en jeu, elles ne peuvent pas se taire. L’engagement pour les personnes en quête de protection est une des tâches fondamentales des Eglises chrétiennes, relève Philippe Woodtli directeur du secrétariat de la FEPS. «Le demandeur d’asile Calvin trouva refuge à Genève et de migrant en pays étranger, il devint un réformateur influent.»
A l’instar de Caritas ou de l’Entraide protestante (EPER) l’Armée du Salut s’engage concrètement en faveur des requérants d’asile. «Nous voulons être une partie de la solution et non pas du problème», relève Paul Mori, directeur de l’aide aux réfugiés à l’Armée du Salut. Le centre de Köniz accueille une septantaine de réfugiés dans des baraquements en planches nichés dans un petit coin de verdure au bord de la grand-route qui ramène en ville de Berne. L’accueil de la commune et de la population locale est bon, se félicitent les responsables. Pour eux la Suisse a largement les moyens de prendre en charge les réfugiés et de leur offrir des conditions dignes.
10 questions -10 réponses sur l’asile
Durant la conférence de presse, les Églises ont en outre présenté deux argumentaires. La Fédération des Églises protestantes de Suisse a édité une brochure de 16 pages, intitulée «10 questions – 10 réponses à propos des modifications urgentes de la loi sur l’asile «. La Commission Justice et Paix de la Conférence des évêques suisses a publié une prise de position intitulé «protection des réfugiés – la Suisse face à ses devoir» Ces documents sont téléchargeables sous www.feps.ch
(apic/mp)