Ouverture de la 22ème session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU

Sri Lanka: Les Eglises dénoncent le «génocide en cours» des populations tamoules

Colombo/Genève, 25 février 2013 (Apic) Les Eglises chrétiennes du Sri Lanka dénoncent le «génocide en cours» des populations tamoules alors que s’est ouverte à Genève le 25 février 2013 la 22ème session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU. 130 responsables catholiques et protestants du Nord et de l’Est du Sri Lanka ont lancé un appel à la Commission de l’ONU, qui poursuit ses travaux jusqu’au 22 mars prochain, lui demandant d’intervenir avant «le total anéantissement du peuple tamoul».

Cette lettre ouverte des Eglises chrétiennes a été rendue publique alors qu’un documentaire vient d’apporter de nouvelles preuves des exactions commises par l’armée sri-lankaise envers les civils pendant la dernière phase du conflit entre Colombo et les Tigres tamouls, rapporte «Eglises d’Asie», l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.

Le plus long conflit séparatiste d’Asie s’est achevé le 18 mai 2009 avec la reddition des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), encerclés par l’armée sri-lankaise. Des milliers de civils sont morts durant l’assaut final, mais aucun bilan officiel n’a jamais été établi. Le 20 février dernier, «International Crisis Group» a publié un communiqué affirmant que le gouvernement du Sri Lanka n’a conduit «aucune investigation crédible sur les soupçons de crimes de guerre, les disparitions et autres violations flagrantes des droits de l’homme».

Un document accablant signé par Mgr Rayyappu Joseph, évêque de Mannar

Le document envoyé aux Nations Unies est signé par l’évêque de Mannar, Mgr Rayyappu Joseph, ainsi que par 132 prêtres, religieux et religieuses chrétiens, dont un grand nombre font partie des Commissions «Justice et Paix» des diocèses catholiques de l’île.

L’évêque, dont le combat en faveur des populations tamoules lui vaut des menaces et des intimidations répétées de la part du gouvernement sri-lankais, avait déjà, il y a un an, lancé un appel aux Nations Unies. Il avait alerté la communauté internationale sur les violations des droits de l’homme dans les zones tamoules. Il demandait à l’ONU de faire pression sur le gouvernement du président Mahinda Rajapaksa pour qu’il mette en oeuvre le processus de réconciliation et accepte que soit menée une enquête indépendante et internationale sur les crimes de guerre dans le pays.

Assassinat et disparition de dizaines de milliers de civils tamouls

Mais cette dernière lettre, datée du 18 février, est plus alarmante que la précédente. Elle avertit les Nations Unies qu’un véritable «génocide des populations tamoules» est en cours au Sri Lanka: «L’assassinat et la disparition de dizaines de milliers de civils tamouls ainsi que les tentatives de destruction systématique de la culture, de la langue et de la religion des populations des régions du Nord et de l’Est de l’île, semblent avoir pour but ultime d’anéantir totalement le peuple tamoul».

Les violations des droits de l’homme, déjà dénoncées auparavant, se poursuivent en toute impunité, dénonce encore le texte des responsables religieux. Aucune des recommandations de la Commission nationale pour la réconciliation, pourtant sous contrôle du gouvernement Rajapaksa, n’a été respectée, et encore moins les préconisations accompagnant la résolution de l’ONU votée en mars 2012, constatent également les responsables chrétiens.

Ces dénonciations rejoignent les conclusions de différentes organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch ou encore International Crisis Group qui viennent de rendre leurs rapports sur la situation des droits de l’Homme au Sri Lanka.

«Le gouvernement s’était engagé à libérer les prisonniers politiques, nommer une commission d’enquête indépendante, indemniser les civils tamouls, réinstaller les déplacés, restituer les terres confisquées par les militaires, stopper la campagne de répression et de ’cinghalisation’ dans les territoires du Nord, permettre aux populations locales de pratiquer leur religion et de commémorer leurs morts, mais rien n’a changé», accuse l’un des signataires qui préfère garder l’anonymat.

Nombreuses exécutions extrajudiciaires

Au contraire, poursuit-il, les violations des droits de l’homme ont augmenté au cours de l’année écoulée et de nombreux militants, ainsi que des journalistes, religieux, étudiants ou avocats, ont été victimes de harcèlement, d’emprisonnement illégal, voire de torture et d’exécutions extrajudiciaires de la part des forces de l’ordre, de l’armée et des représentants de l’Etat.

«Certains d’entre nous, qui font partie des victimes en question, ont préféré ne pas signer la lettre par crainte de représailles», peut-on également lire dans la lettre des 133 responsables religieux.

Evêque accusé de «complot contre l’Etat» par le parti bouddhiste JHU

«L’année dernière, rapporte l’un d’entre eux, le Père S. Anpurasa, ceux qui avaient osé critiquer le gouvernement ou demandé l’aide des Nations Unies ont été arrêtés, menacés et agressés par les représentants du gouvernement». Dès la publication de l’appel aux Nations Unies de 2012, le parti bouddhiste Jathika Hela Urumaya (JHU), membre de la coalition au pouvoir, avait accusé Mgr Rayappu Joseph de «complot contre l’Etat». Le JHU avait exigé l’arrestation et l’emprisonnement immédiat de l’évêque de Mannar et des 30 autres signataires.

Les Eglises demandent à l’ONU que soit décidé «l’envoi d’une commission internationale au Sri Lanka pour enquêter sur les violations des droits de l’homme passées et présentes». Le gouvernement Rajapaksa commençait à peine à exprimer son indignation au sujet de la lettre des évêques que le 19 février, soit le lendemain, étaient rendues publiques des photos montrant que l’armée sri-lankaise avait exécuté de sang-froid un enfant de 12 ans, le fils de Velupillai Prabhakaran, leader des Tigres tamouls, en mai 2009.

L’exécution de l’enfant du leader des Tigres tamouls

Ces clichés, tirés du documentaire «No War Zone: The Killing Fields of Sri Lanka», réalisé par Callum Macrae pour la télévision anglaise Channel 4, montrent Balachandran Prabhakaran d’abord en vie dans un camp retranché de l’armée sri-lankaise puis, quelques heures plus tard, mort sur le sable, abattu de cinq coups de feu tirés à bout portant, une exécution que Colombo avait toujours niée. Selon les experts, l’analyse digitale des images ne laisse aucun doute quant à l’authenticité et à la datation des clichés qui ont été pris par le même appareil, probablement par les soldats sri lankais comme «trophée de guerre».

Ce documentaire, qui sera projeté lors de la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, accable encore davantage Colombo, qui avait échoué l’année précédente à invalider l’authenticité de photos montrant des exécutions de masse de civils tamouls par l’armée sri-lankaise. (apic/eda/be)

25 février 2013 | 15:38
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
ONU (187), Sri Lanka (56)
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