«Eviter à tout prix d’entrer dans une spirale de décomposition»
Fribourg: L’Université face aux recettes stagnantes de l’Etat ces prochaines années
Fribourg, 14 novembre 2012 (Apic) Face aux recettes stagnantes auxquelles il doit faire face ces prochaines années, l’Etat de Fribourg demande à l’Université de limiter encore davantage la croissance de ses dépenses. Mercredi 14 novembre 2012, à l’occasion du traditionnel «dies academicus», le recteur Guido Vergauwen s’est dit conscient qu’une période difficile s’annonçait. Il a cependant déclaré qu’il fallait «éviter à tout prix d’entrer dans une spirale de décomposition».
Dans son allocution lors de la 123e journée académique de l’alma mater friburgensis, le Père Vergauwen a relevé que le canton de Fribourg avait fait part de ses prévisions pessimistes, «ou plutôt réalistes», concernant le développement des finances cantonales. Le recteur a cependant relevé que l’Université était un «atout majeur» pour le canton de Fribourg. «Elle rapporte en moyenne, pour chaque franc que le canton dépense en sa faveur 1,80 franc en retour». Seule une Université qui peut se développer constamment sera en mesure de jouer ce rôle fort dans et pour son canton, a-t-il martelé.
Pas d’économies qui se révéleraient contre-productives
Le recteur a rappelé que l’alma mater fribourgeoise vit dans un paysage universitaire suisse et international marqué par une forte compétition. «Elle droit rester attractive et attirer des étudiants et des chercheurs d’excellence. Le nombre d’étudiants et le succès des chercheurs auprès des agences de financement de recherche ont un impact direct sur les 55% des recettes de l’Université qui ne proviennent pas du canton de Fribourg, mais des subventions de base de la Confédération ainsi que des contributions basées sur l’Accord intercantonal dans le domaine suisse de hautes écoles».
Pour le recteur, des économies réalisées par une réduction de l’offre d’études ou des capacités de recherche ne manqueraient pas d’avoir des effets contre-productifs.
Le plus haut taux des jeunes de moins de 19 ans
Lui faisant écho, la conseillère d’Etat Isabelle Chassot, directrice de l’Instruction publique, de la culture et du sport du canton de Fribourg, a également relevé que les prévisions financières de l’Etat pour ces prochaines années ne sont pas au beau fixe, car les recettes stagnent tandis que les besoins du canton augmentent sensiblement, notamment en raison de son évolution démographique.
Si les sociétés occidentales doivent faire face au vieillissement de leur population, le canton de Fribourg a le plus bas taux de personnes âgées de plus de 65 ans et le plus haut taux des jeunes de moins de 19 ans. Ces derniers représentent 24% de la population fribourgeoise.
«Un investissement payant pour aujourd’hui et pour l’avenir»
«Ce fait positif exige des investissements importants au niveau de la formation en général, et de l’école obligatoire en particulier», souligne Isabelle Chassot. Face à ces réalités, la directrice de l’Instruction publique demande à l’Université, qui doit répondre elle-même à ce défi en vertu de l’autonomie qui lui incombe, de limiter la croissance de ses dépenses sans porter atteinte au développement de l’institution. Mais elle a confiance, car elle est persuadée que l’Université est «un investissement payant pour aujourd’hui et pour l’avenir».
Président d’honneur de la fête académique de cette année, le conseiller d’Etat Claude Roch, directeur du Département de l’éducation du canton du Valais, a relevé des points communs entre ces deux régions marquées par leur arrière-plan catholique. Les deux cantons ont des valeurs fortes partagées, comme la solidarité, le respect mutuel, l’humilité, et également le bilinguisme. L’attractivité de Fribourg, qui accueille plus de 700 étudiants valaisans, dont 118 uniquement pour la Faculté de droit, ne date pas d’aujourd’hui, a-t-il souligné, en mentionnant le grand nombre de personnalités qui ont obtenu durant les dernières décennies leurs palmes académiques dans la cité des Zähringen, sans oublier les nombreux Valaisans qui ont garni les rangs du corps professoral.
Encadré
Giorgio Agamben, «un des philosophes contemporains les plus marquants»
Au cours de la traditionnelle remise des doctorats honoris causa, la Faculté de théologie a distingué l’académicien italien Giorgio Agamben, «un des philosophes contemporains les plus marquants». Par ses analyses, le philosophe, né le 22 avril 1942 à Rome, a souvent anticipé des développements socio-politiques importants. Ses écrits remettent en cause les conceptions actuelles des droits de l’homme et peuvent être compris comme un encouragement à penser et à vivre de manière nouvelle l’unicité de l’être humain et sa responsabilité éthique et politique, peut-on lire dans la «laudatio».
Après des études de droit à l’Université La Sapienza à Rome, il termine ses études de philosophie en 1965 avec une thèse sur les écrits politiques de la philosophe française Simone Weil. Pendant ses études, il se lie d’amitié et entretient des échanges intellectuels avec des personnalités de la littérature et du cinéma comme Elsa Morante, Alberto Moravia et Ingeborg Bachmann. Il collabore même avec le réalisateur Pier Paolo Pasolini en interprétant le rôle de l’apôtre Philippe dans le film «Il vangelo secondo Matteo». En 1970, il entre en contact avec Hannah Arendt à qui se réfèrent ses études sur les droits de l’homme.
Après de nombreuses années passées à Paris, où il fut de 1986 à 1992 directeur de programme au Collège international de philosophie, Giorgio Agamben revient en Italie où il dirige, pour l’éditeur Giulio Einaudi, l’édition italienne des oeuvres complètes de Walter Benjamin. Depuis 2003 jusqu’à sa retraite, il est professeur d’esthétique à l’Université IUAV à Venise.
Le Sud-africain Nicolaas Steytler, actif sous le régime d’apartheid
La Faculté de droit a décerné le titre de docteur honoris causa au professeur sud-africain Nicolaas Steytler, directeur du Community Law Centre de l’Université de Western Cape, fondée en 1960, sous le régime d’apartheid, pour les étudiants métis. Ce Centre a joué un rôle prépondérant lors du changement de régime et de la transformation de la Constitution sud-africaine en 1994. Nico Steytler a personnellement participé aux négociations avec l’African National Congress (ANC) et aux travaux préliminaires pour la nouvelle Constitution, ce qui a fait de lui un expert international dans les domaines de l’organisation d’Etat, de la démocratisation et des droits de l’homme.
Ce chercheur renommé maintient des liens étroits et privilégiés avec l’Institut du Fédéralisme de la Faculté de droit de l’Université de Fribourg et cela tant pour sa collaboration dans le cadre de l’International Association of Centres for Federal Studies que pour ses nombreuses interventions lors des formations continues organisées par l’Institut.
L’écrivain tessinois Giovanni Orelli distingué
C’est à Giovanni Orelli, un écrivain tessinois qui a grandi dans la Valle Bedretto, auquel la Faculté des lettres a décerné un titre de docteur honoris causa. Après avoir été maître d’école primaire au début de sa carrière, Orelli a ensuite étudié à la Faculté des Lettres des Universités de Zurich et Milan. Etabli à Lugano, il a été pendant trente ans professeur au gymnase de la ville ainsi que député au Grand Conseil du canton du Tessin pendant une législature.
Déjà en tant qu’élève au gymnase, le jeune Orelli se découvre une passion pour la littérature. Dès 1965, l’auteur à succès publie des livres de prose et de poésie. Ses ouvrages lui valent de nombreux prix. En 2012, il remporte le prestigieux Grand Prix Schiller pour l’ensemble de sa production littéraire.
Doctorat honoris causa pour le médecin Peter Suter
Médecin-chef du service des soins intensifs chirurgicaux des Hôpitaux universitaires de Genève pendant de nombreuses années, Peter Suter a été fait docteur honoris causa de la Faculté des sciences. Il a contribué de manière significative au développement de la recherche clinique en Suisse et plus particulièrement dans le domaine des soins intensifs. Parmi ses centres de recherche figurent la physiologie pulmonaire, la septicémie et d’autres maladies infectieuses, ainsi que la manière de les traiter.
A côté de ses activités scientifiques, Peter Suter s’est engagé politiquement pour le développement du système de santé suisse ainsi que pour la formation médicale. Son lien avec la Faculté des sciences est particulièrement fort de par son soutien lors de la mise en place, à l’Université de Fribourg, de la troisième année d’étude et de la filière bachelor en médecine.
La Faculté de sciences économiques et sociales avait, quant à elle, décidé de décerner le titre de docteur honoris causa au professeur Ulrich Saxer, pionnier suisse en sciences de la communication et des médias. Peu de temps après cette décision, Ulrich Saxer est décédé le 8 juin, à l’âge de 82 ans.
Parmi les nombreuses autres distinctions décernées le 14 novembre, figure le «Prix Jean-Louis Leuba». La Faculté de théologie l’a remis à Christoph Schwyter, pour sa thèse de doctorat «Das sozialpolitische Denken der Russischen Orthodoxen Kirche – Eine theologische Grundlegung auf der Basis offizieller Beiträge seit 1988». Ce prix porte le nom de son fondateur, le Pasteur Jean-Louis Leuba, décédé en 2005, et récompense des travaux dans le domaine de la théologie et de l’oecuménisme.
Pour la 1ère fois, le Conseil de l’Université attribue un «Prix d’éthique»
Pour la première fois, le Conseil de l’Université a attribué un «Prix d’éthique». La lauréate est Valérie Viaccoz, pour son travail de master en droit, intitulé «Quelle protection juridique pour l’embryon humain contre des pratiques telles que la modification génétique, la congélation, la sélection, la recherche, la destruction dans le cadre des procréations médicalement assistées et de la recherche médicale? Vers la promotion d’un statut juridique de l’embryon?»
Le jury a ainsi récompensé un travail «qui présente un sujet complexe avec une rare clarté et une grande rigueur scientifique sur laquelle s’appuie une réflexion profonde assortie d’une prise de position personnelle». Le Prix d’éthique du Conseil de l’Université nouvellement créé, sera remis tous les deux ans à un travail de master dans le domaine de l’éthique appliquée, effectué dans une des cinq facultés de l’Université de Fribourg. (apic/be)