Einsiedeln: L’Abbé Martin Werlen qualifie de dramatique la situation actuelle de l’Eglise

Débarrasser la cendre refroidie sur la braise

Zurich, 12 novembre 2012 (Apic) La dernière publication de l’Abbé d’Einsiedeln Martin Werlen porte certes le titre inoffensif de «Découvrir ensemble la braise sous la cendre» (en allemand «Miteinander die Glut unter der Asche entdecken»). Mais sa «pro-vocation» pour l’Année de la Foi 2012/13 identifie des problèmes qui sont volontiers, dans l’Eglise catholique, balayés sous le tapis. Le fait que l’Abbé Werlen parle sans ambages devrait susciter des remous au sein d’une Conférence des évêques suisses (CES) polarisée.

«Je vois dans l’Eglise d’aujourd’hui tellement de cendre refroidie sur la braise que souvent un sentiment d’impuissance m’oppresse», déclarait, dans sa dernière interview, le cardinal de Milan Carlo Maria Martini, qui vient de mourir. L’Abbé Martin Werlen a cité cette parole dans un exposé présenté le 21 octobre dernier à l’occasion de l’ouverture de l’Année de la Foi dans l’église de l’abbaye bénédictine d’Einsiedeln. Ces jours-ci, le texte retravaillé et publié dans un petit ouvrage provoque des remous.

Il s’agit ici d’un document de travail, qui doit être discuté et peut être critiqué, peut-on lire dans le court texte de présentation de la brochure. Mgr Werlen dit espérer que celle-ci «encourage les personnes engagées dans l’Eglise, «en dépit de toutes les tentations de désespoir, à chercher ensemble la braise sous la cendre, de sorte que le feu se mette à nouveau à brûler.»

Amoncellement de cendres refroidies

L’Abbé Martin Werlen, un moine bénédictin de 50 ans, considère sa réflexion tout à fait comme une «pro-vocation». Dans ce texte, on trouve le terme «vocation», et le «pro» dit clairement que l’appel à la vocation est lancé «de façon positive» et veut encourager à relancer la flamme.

Il considère qu’il y a d’innombrables tas de cendres refroidies dans l’Eglise d’aujourd’hui. Son diagnostic est sans fard: La situation de l’Eglise est, cinquante ans après l’ouverture du Concile Vatican II (1962-65) «dramatique», et pas seulement dans les pays de langue allemande. Non seulement il manque toujours davantage de prêtres et de religieux, et il n’y a pas que la fréquentation des églises qui est en constant recul… Mais le vrai problème, selon Mgr Werlen, est ailleurs: «Il manque le feu!»

Environ 20% de la population suisse n’appartient à aucune communauté de foi, et la tendance est en augmentation. Pour Mgr Werlen, c’est clair: «Si le processus se poursuit, cette Eglise refroidie, sous nos latitudes, peut effectivement disparaître avec ses institutions.» La tentation est grande, dans cette situation, d’en rester à la cendre, estime l’Abbé Werlen. Il en vient alors à parler de la forte polarisation existant entre conservateurs et progressistes dans l’Eglise d’aujourd’hui. Des deux côtés, beaucoup tournent autour de la cendre. Pour lui, c’est clair: «Si, comme Eglise, nous restons dans la polarisation, nous empêchons les gens de découvrir la braise, qui donne la vie et veut, encore aujourd’hui, brûler.» L’objectif doit être «d’entendre aujourd’hui ce que Dieu veut nous dire et aussi de le faire».

Ces dernières années, l’Eglise a, pour l’Abbé Martin Werlen, «perdu beaucoup de crédibilité».

Ainsi, par exemple, s’il y a encore aujourd’hui des responsables d’Eglise qui pourraient dire en public que «la plupart des abus sexuels ne se produisent pas dans l’Eglise, mais dans les familles», ces derniers font alors preuve «non seulement d’une position défensive irresponsable mais également d’incompétence théologique.» De cette façon, estime-t-il, on affaiblit le témoignage de l’Eglise. «Lorsque les agressions sexuelles se produisent dans des familles de baptisés, ce sont également des abus commis dans l’Eglise. Tous les baptisés font partie de l’Eglise. Le témoignage de tous les baptisés est exigé …»

Le système des nominations épiscopales doit être revu

La cendre refroidie à balayer, l’Abbé Werlen la voit notamment dans le système actuel de nomination des évêques. Pour l’Eglise du 21e siècle, il devrait être évident que les baptisés et les confirmés d’un diocèse concerné devraient pourvoir participer «de manière adéquate» au processus de nomination. Cette cendre refroidie, Mgr Werlen la voit aussi dans le débat sur le célibat des prêtres qui est dans l’impasse. La vie en célibataire est un chemin possible pour suivre Jésus-Christ, tout comme l’est la vie conjugale. Les deux formes de vie sont des dons de Dieu, mais cela n’est plus guère remarqué dans le public, pas même parmi les baptisés. «Nous avons réussi à présenter la suite du Christ dans le célibat de telle façon qu’elle passe pour être une loi.»

L’Abbé Werlen mentionne également la question du genre, dans laquelle l’Eglise se montre toujours «maladroite et impuissante». «L’Homme est homme ou femme. L’Eglise a toujours de la peine avec le ’oui’ à la femme.»

Conseiller le pape pendant cinq ans

L’Abbé d’Einsiedeln voit aussi la possibilité d’emprunter de nouvelles voies dans le cercle des conseillers du pape. Il estime ainsi qu’il y aurait suffisamment d’espace pour de nouvelles formes. Ainsi les cardinaux, qui pour lui, n’appartiennent finalement pas au dépôt de la foi. Mgr Werlen fait une proposition: A chaque fois pour une période de cinq ans, des personnes venant de partout dans le monde – des femmes et des hommes, des jeunes et des moins jeunes – pourraient être nommés dans cette structure. Tous les trois mois, ils se réuniraient à Rome avec le pape. Personne parmi ceux qui seraient présents ne dirait ou ne tairait quelque chose par peur pour sa propre carrière. De telles réunions, écrit l’Abbé Werlen, «pourraient susciter une autre dynamique dans la gouvernance de l’Eglise».

PS. La brochure «Miteinander die Glut unter der Asche entdecken» est disponible à partir de ce mercredi dans la boutique des monastères d’Einsiedeln et de Fahr pour le prix de cinq francs. Le produit net de cette publication va à l’Institut liturgique. (apic/kipa/jbossart/be)

12 novembre 2012 | 17:57
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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