Parution de la biographie d’un grand écrivain chrétien disparu
Berne: Le cardinal Koch salue l’écrivain Edzard Schaper, «un homme des frontières»
Berne, 8 novembre 2012 (Apic) L’écrivain d’origine allemande Edzard Schaper, décédé à Berne en 1984, était, dans tout son être, «un homme des frontières», non seulement physiques, mais aussi spirituelles et religieuses, a relevé le cardinal Kurt Koch le 7 novembre à la nonciature apostolique de Berne.
Le président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens était invité par l’Institut d’études œcuméniques (ISO) de l’Université de Fribourg à l’occasion de la présentation de la biographie, écrite par le professeur Uwe Wolff, de cet écrivain chrétien prolixe, qui fut également un penseur politique qui a compté dans l’espace culturel germanophone d’après-guerre (*),.
Une cinquantaine de personnes, dont des professeurs et diplomates de Finlande, d’Estonie (où Schaper vécut près d’une décennie avant la Seconde guerre mondiale), d’Allemagne, de Suède et de Suisse, ont participé mercredi soir 7 novembre à la manifestation dédiée à cet homme ballotté avec sa famille sur les rives de la Mer Baltique et en Scandinavie, au milieu des drames qu’a connus l’Europe au XXe siècle.
«Rien d’autre que le dernier luthérien orthodoxe»
Professeur à l’Université d’Hildesheim, Uwe Wolff a rédigé la biographie (plus de 400 pages!) de cet écrivain qui connut en son temps un grand succès. «Jeune génie», Edzard Schaper avait déjà rédigé deux romans à l’âge de 18 ans. Il écrivit au total plus de 40 romans et de nombreuses nouvelles traduits en plusieurs langues, et dont le tirage a atteint plus de 6 millions d’exemplaires.
Uwe Wolff a relevé que sans l’Université de Fribourg – dont Schaper est docteur honoris causa – , il n’y aurait pas eu de «résurrection» de cette immense personnalité, qui se convertit au catholicisme en 1961 à l’abbaye d’Einsiedeln. Edzard Schaper voulait être, comme catholique, «rien d’autre que le dernier luthérien orthodoxe».
La fuite, l’expulsion, l’emprisonnement et l’exil forment le contexte historique de l’œuvre de d’Edzard Schaper qui appartient, aux côtés de Thomas Mann et d’Ernst Jünger, à cette race des grands écrivains du XXe siècle. Né en 1908 dans la région frontalière d’Ostrowo (aujourd’hui en Pologne), carrefour des cultures et des religions, il fut dès son plus jeune âge plongé dans les bouleversements de cette partie particulièrement tourmentée de l’Europe.
En raison de sa franchise et de sa liberté de pensée et d’écriture, il fut condamné à mort tant par le régime soviétique en 1940 que par les autorités nazies en 1944, a relevé le cardinal Koch. Il s’était réfugié en Suède en 1944, après avoir quitté la Finlande qui venait de signer la paix avec les Soviétiques. Il y est alors interné durant une période, soupçonné d’être un agent double.
A de nombreuses reprises dans sa vie digne d’un roman, il fut contraint de prendre le chemin de l’exil jusqu’à ce qu’il trouve en 1947 en Suisse «une certaine patrie», grâce à l’aide d’amis, dont Max Wehrli et Carl Helbling.
Conversion au catholicisme
Sa conversion au catholicisme, a lancé l’ancien évêque de Bâle, Edzard Schaper ne l’a pas comprise dans un sens confessionnaliste, persuadé qu’il était que l’Eglise de Dieu passe à travers toutes les confessions. Il s’agit, dans sa compréhension oecuménique, non pas de débaucher les chrétiens d’autres Eglises et d’en faire des convertis, mais de renforcer également les chrétiens des autres Eglises dans leur foi au Christ. Son œcuménisme n’a rien à voir avec une certaine vision libérale de l’œcuménisme actuellement dominante dans l’espace public, insiste-t-il, c’est un œcuménisme spirituel qui remonte aux sources de l’œcuménisme.
Le cardinal Koch a encore relevé qu’Edzard Schaper a approfondi sa notion «d’œcuménisme des cœurs croyants» au contact de la réalité de la persécution des chrétiens, comme il la décrit de façon détaillée dans son livre «L’Eglise mourante» (Die sterbende Kirche).
L’expérience commune de la persécution subie à cette époque tant par des théologiens luthériens que par des évêques orthodoxes dans la région de la Baltique «l’a amené à connaître ce que nous appelons aujourd’hui ’l’œcuménisme des martyrs’ et qui a gagné dans le monde actuel une nouvelle actualité, parce que 80% de tous ceux qui sont aujourd’hui persécutés pour leur foi sont des chrétiens». Parce, conclut le cardinal Koch, «l’Eglise, à la fin du deuxième millénaire et au début du troisième millénaire est à nouveau devenue une Eglise de martyrs». (apic/be)
(*) Uwe Wolff, «Der vierte König lebt! Edzard Schaper – Dichter des 20. Jahrhunderts», Université de Fribourg Suisse, Reinhardt Verlag, Bâle 2012