Berne: Précarité des femmes, les Eglises protestantes tirent la sonnette d’alarme
La pauvreté a un sexe, il est féminin!
Berne, 29 octobre 2012 (Apic) Une femme sur cinq, en Suisse, vit dans un état de précarité financière et sociale. Le phénomène ne fait qu’augmenter. Face à ce constat inquiétant, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a donné, lors d’une conférence à Berne le 29 octobre 2012, des pistes de réflexion pour sortir de cette réalité qui empoisonne la vie de milliers de femmes dans le pays.
Elma, une Bosniaque de 44 ans vivant en Suisse, est malade mais elle continue de travailler, malgré les recommandations de son médecin. La perte de son emploi lui serait financièrement intenable. Martha, 58 ans, est veuve depuis deux ans et sans formation. Dans tous les postes où elle se présente, on lui fait comprendre qu’elle est trop âgée pour trouver un emploi. Elle se sent inutile, dévalorisée et très déprimée.
Ces deux cas, typiques de la précarité au féminin en Suisse, ont été présentés par Michèle Amacker, collaboratrice scientifique à l’Université de Berne et doctorante en sociologie, politique sociale et travail social à l’Université de Fribourg. Ils montrent que la pauvreté touche, en Suisse, des catégories de population très diverses.
La maternité, un gros désavantage sur le marché du travail
Si la rencontre s’est concentrée sur les femmes, c’est parce qu’elles sont beaucoup plus touchées que les hommes par ce phénomène. On estime que 20% d’entre elles vivent dans la précarité en Suisse. C’est le cas de 10% des hommes.
Cette disparité a de multiples causes. Principalement, les fonctions que «la société dédie» aux femmes sont très souvent moins bien rémunérées que celles occupées par les hommes. Ensuite, les femmes ont des emplois moins stables. Elles occupent beaucoup plus facilement des postes à temps partiel, temporaires, à domicile ou flexibles. Cela est lié au fait qu’elles sont beaucoup plus actives dans les soins et la prise en charge des enfants. Ce surcroît de travail non rémunéré pénalise passablement leurs revenus.
Dans les catégories de femmes les plus touchées par la pauvreté, on trouve les mères célibataires et les étrangères possédant un statut incertain (requérantes d’asile ou sans-papiers).
Participer au corps social
Simon Hofstetter, pasteur et assistant scientifique à la FEPS, a exposé un certain nombre de «principes directeurs» rendant essentielle, pour les chrétiens, la lutte contre la précarité, notamment celle des femmes. Le pasteur a évoqué la nécessité de la «participation» de tous les êtres humains au Corps du Christ, indépendamment de leurs caractéristiques individuelles. Il a cité des éléments bibliques mettant en exergue l’importance de la protection sociale. Le concept du sabbat est, par exemple, un des premiers garde-fous de l’histoire contre les excès du travail. Il a aussi rappelé les exigences, au sein de la doctrine chrétienne, d’assurer à son prochain l’égalité, la justice et la dignité.
Sur un plan plus concret, il a appelé les Eglises réformées à accroître leur «lobbying» politique en faveur de la «participation» de tous les individus au corps social. Il a préconisé une refonte du droit du travail qui éviterait de pénaliser les femmes. Les Eglises réformées exhortent aussi davantage les entreprises à initier un dialogue interne pour améliorer les conditions des femmes.
Simon Hofstetter a enfin rappelé l’importance des Eglises comme espaces d’accueil «inconditionnel» pour tous, y compris ceux qui ne remplissent pas les «exigences» de la société.
Les migrantes au bas de l’échelle
Anne-Marie Saxer-Steinlin, directrice du service migration des Eglises réformées de Berne-Jura-Soleure, a parlé plus spécifiquement de l’Eglise comme lieu d’accueil pour les migrantes. Elle a mis en avant les difficultés de ces femmes, qui ont parfois beaucoup d’enfants, et pour qui l’exil a constitué une «énorme rupture». Tout en précisant que les services des Eglises réformées étaient ouverts à tous et pas seulement aux paroissiens, elle a exposé quelques unes de leurs initiatives pour venir en aide à ces personnes souvent fortement défavorisées.
Ces services ont comme objectif l’autonomisation de l’individu et pas seulement l’aide pécuniaire. Les Eglises offrent en particulier des «mini-jobs» qui permettent aux migrantes et aux migrants de renouer avec le monde du travail. Elles les aident aussi à clarifier leur statut auprès des autorités.
Concernant les sans-papiers, Anne-Marie Saxer-Steinlin a insisté sur le besoin de coopération et de soutien aux organisations de conseils pour cette catégorie de migrants particulièrement précarisés. (apic/rz)