Fribourg: L’Université présente les visages du christianisme charismatique

4ème Forum Fribourg Eglise dans le monde

Fribourg, 19 octobre 2012 (Apic) La découverte des «visages» du christianisme charismatique et les questions que pose ce mouvement issu du protestantisme américain ont été au centre des débats du «4ème Forum Fribourg Eglise dans le monde». L’analyse de ce mouvement, qui connaît depuis quelques années en Suisse romande un certain ralentissement, voire «une pente descendante», a attiré une bonne centaine d’auditeurs vendredi 19 octobre à l’Université de Fribourg.

Organisé par l’Institut pour l’étude des religions et le dialogue interreligieux (IRD) et le Centre d’études pastorales comparées de l’Université, ce Forum bilingue a été l’occasion de répondre à certaines interrogations sur le Renouveau charismatique. «Le christianisme charismatique sous ses différentes formes soulève beaucoup de questions, entre autres la question ecclésiologique, c’est-à-dire la relation entre charisme et institution (Jésus, oui/L’Eglise, non ?) La relation entre un christianisme spiritualiste, intériorisé…. et un christianisme qui veut changer aussi la société et le monde» est également en débat, a déclaré en introduction le professeur Mariano Delgado, directeur de l’IRD.

«Si je n’ai pas la charité… je ne suis qu’un cuivre qui résonne»

Pour le professeur Delgado, le critère fondamental pour examiner le christianisme charismatique reste celui de tout christianisme: l’unité entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Et l’ancien doyen de la Faculté de théologie de Fribourg de citer la lettre de saint Paul aux Corinthiens: «J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante».

Retraçant les «vagues charismatiques» depuis leurs débuts du XXe siècle au sein du protestantisme américain jusqu’à l’acclimatation du «baptême de l’Esprit» en milieu catholique dès la fin des années 1960, Philippe Gonzalez, du Laboratoire de sociologie (LabSo) de l’Université de Lausanne (UNIL) a affirmé que ce mouvement a radicalement changé le visage du christianisme contemporain.

Plus de 600 millions de chrétiens dans le monde

«Parti de rien au début du XXe siècle, le charismatisme touche aujourd’hui plus de 600 millions de chrétiens dans le monde. Il présente aussi le taux de croissance le plus élevé au sein du christianisme, toutes confessions confondues, mais aussi au plan des religions mondiales». Le sociologue relève qu’avec 2,41% de croissance annuelle, il dépasse l’islam dont la croissance ne serait que de 1,79%.

Dans l’espace catholique romand, par contre, l’historienne valaisanne Virginie Dufour, qui a travaillé sur la question dans le cadre de son mémoire de master à l’Université de Fribourg, note un certain ralentissement. Si en 1998, l’ensemble des groupes de prière en Suisse romande réunissait chaque semaine entre 1’200 et 1’500 personnes, le Renouveau charismatique amorce dès 1995 une pente descendante.

En Suisse romande, stagnation et reflux

L’historienne, qui a centré ses recherches sur les années 1972-2010 en Suisse romande, relève que les personnes engagées dans le mouvement charismatique n’ont en général «pas de comptes à régler» avec l’Eglise et sa hiérarchie. «Au contraire, souligne-t-elle, ces personnes désiraient fortement, dès les premières années, rester dans l’Eglise».

«Elles ont cherché dès le début à acquérir une reconnaissance de la part des évêques». Cela s’explique notamment par le fait que les membres de ces groupes étaient souvent des gens qui avaient perdu tout contact avec l’Eglise ou qui n’en faisaient pas du tout partie.

Virginie Dufour relève cependant qu’en général, l’engagement des évêques pour le Renouveau n’a pas été très actif, à l’exception peut-être de Mgr Henri Schwery, évêque de Sion, qui se montra très favorable en accueillant dans son diocèse les trois communautés nouvelles du Verbe de Vie, des Béatitudes et de Cana-Maryam. Mgr Bernard Genoud, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, a également encouragé les groupes de prière.

«La plupart des évêques n’étaient pas contre le Renouveau, mais ne s’engageaient pas non plus pour le mouvement. Leur grande crainte dans les années 70 et 80 concernait les excès et les dérives» du mouvement charismatique – au demeurant bien réels. Ils se méfiaient aussi de ses origines protestantes.

Aujourd’hui, le mouvement en Romandie s’essouffle par le manque d’engagement de certaines personnes «qui satellisent sans s’investir» ou, au contraire, par les nombreuses personnes qui se sont engagées à fond dans les paroisses, et n’ont plus de temps à consacrer au Renouveau. Virginie Dufour pointe également le peu de soutien des prêtres surtout, mais aussi des évêques, ainsi que le vieillissement des groupes qui peinent à se renouveler.

Une «déferlante des nouvelles Eglises de migrants»

Décrivant les Eglises africaines de la diaspora présentes en Suisse et nées dans la mouvance charismatique et pentecôtiste, l’abbé Hyacinthe Ya Kuiza N’Guezi parle de «déferlante des nouvelles Eglises de migrants». Elle provient avant tout des milieux protestants avec l’éclosion de nouvelles communautés d’expression évangélique, précise le délégué à la Mission du diocèse de Bâle, qui est également prêtre de l’Unité pastorale de Haute-Ajoie.

Dans la région lémanique, l’abbé Hyacinthe Ya Kuiza mentionne la présence d’au moins 25 communautés chrétiennes issues de l’immigration africaine. Ces Eglises afro-chrétiennes fonctionnent principalement comme des associations culturelles et offrent ainsi un cadre plus ou moins officiel aux initiatives de la diaspora africaine. «En plus de la foi, on va retrouver en elles toutes les autres éléments qui servent d’identifiant à la diaspora: musique, danse, culture africaine, souffrance commune, recherche de la chaleur humaine et des solidarités individuelles, collectives, en lien aussi avec le pays d’origine».

Originaire de la République démocratique du Congo (RDC), l’abbé Hyacinthe Ya Kuiza se demande quand l’Eglise établira des missions et aumôneries africaines en Suisse. «Les carences et le vide en ce domaine, sous prétexte d’éviter la tentation d’enfermement et d’ethnocentrisme plongent les chrétiens dans la solitude qui les mènent dans les bras de gourous mal avisés, qui les abusent et les désabusent dans leur foi. C’est dans cette brèche béante que viennent s’engouffrer un certain nombre d’Eglises africaines en Suisse», déplore-t-il.

«Forum Fribourg Eglise dans le monde»

Le «Forum Fribourg Eglise dans le monde» se range dans la tradition des «Semaines de Fribourg pour l’Eglise dans le monde», qui se sont déroulées à Fribourg jusqu’en 1973. Le Forum est consacré aux questions touchant à l’Eglise dans le monde, la mondialisation, la mission et la rencontre entre les religions. Il a pour but de contribuer à ce que les questions touchant à l’unification du monde, dont parle le Concile Vatican II, soient discutées dans un climat ouvert. (apic/be)

19 octobre 2012 | 14:35
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Fribourg (616), Université (84)
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