Les fondamentalistes islamiques menacent la paix sociale
Fribourg: Le Père William Ngowi témoigne de la réalité de la Tanzanie, «îlot de paix»
Fribourg, 25 septembre 2012 (Apic) La Tanzanie est un «îlot de paix», les gens s’appellent entre eux «ndugu» – ce qui veut dire à la fois frère et sœur… Cette solidarité prend sa source dans l’»ujamaa», ce modèle de développement prôné peu après l’indépendance par le président Julius Nyerere, témoigne Frère William Ngowi.
Capucin et bibliste, Frère William est professeur au Jordan University College de Morogoro, à quelque 200 km à l’ouest de Dar es Salaam, centre économique et ancienne capitale de la Tanzanie. Il est l’invité de Missio, la branche suisse des Œuvres Pontificales Missionnaires internationales.
Frère William participe mercredi 26 septembre à Fribourg à une journée de réflexion portant sur les «Petites communautés chrétiennes: une aubaine pour la Suisse!», organisée pour l’ouverture du Mois de la Mission Universelle. Le colloque est mis sur pied par Missio, en collaboration avec la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg et «L’Evangile à la maison». L’Apic a rencontré Frère William au siège de Missio à Fribourg.
Le fossé se creuse entre riches et pauvres
La Tanzanie connaît un boom économique remarquable, avec une croissance de 6 à 7% par an depuis une décennie, mais tout le monde n’en profite pas, relève le professeur Ngowi. L’arrivée du pétrole et du gaz, l’exploitation des mines d’or, de fer et de charbon, révolutionnent la société, mais le peuple n’y est pas forcément préparé. «Il y a certes plus en plus de riches, mais le fossé se creuse avec la partie la plus pauvre de la population!».
Agé de 57 ans, Frère William enseigne à Morogoro depuis 17 ans, après avoir étudié notamment à l’Institut biblique pontifical de la Grégorienne, à Rome, et à l’Institut biblique franciscain de Jérusalem. Supérieur du couvent capucin de Morogoro, il est également vice-président du Jordan University College.
Si la situation politique dans le pays est assez calme, note-t-il, les partis d’opposition sont de plus en plus forts. Le parti en place depuis l’indépendance en 1962, le Chama cha Mapinduzi (CCM), devra se cramponner pour rester au pouvoir lors des prochaines élections présidentielle de 2015. «Nous n’avons pas de tradition démocratique et n’avons pas encore connu l’alternance», admet le capucin. «Le peuple est solidaire, l’esprit de l’’ujamaa’, l’esprit de communauté, fait partie de notre culture. On ne peut vivre seul, la communauté est primordiale pour nous».
Les fondamentalistes veulent instaurer le califat islamique
Cependant, relève le Père Ngowi, le virage capitaliste pris par le pays – qui a apporté de la richesse mais a aussi laissé une bonne partie de la population sur le bord de la route – est en train de ruiner cet esprit de solidarité. C’est un grand défi dans ce pays de 44 millions d’habitants, dont un tiers sont catholiques, un autre tiers musulmans, le reste se partageant en parts à peu près égales entre les religions traditionnelles africaines et les Eglises protestantes, anglicanes, luthériennes, méthodistes, ou encore les Témoins de Jéhovah.
Les relations entre les communautés religieuses sont encore pacifiques, insiste le Père capucin, mais les fondamentalistes musulmans, qui souhaitent instaurer le califat islamique, sont de plus en plus agressifs.
«Cette nouvelle vague de fondamentalisme islamique, que l’on sent aussi dans d’autres pays africains, est menaçante. On en perçoit les manifestations dans la rue, à la radio, dans les journaux. Ce n’est pas sain… Les radios qui prêchent la haine religieuse devraient être fermées, mais, malheureusement, rien n’est entrepris contre ces fauteurs de troubles!»
Frère William Ngowi met beaucoup d’espoir dans les petites communautés chrétiennes présentes partout en Tanzanie. «Il y en a jusqu’à 50 par paroisses, peut-être 70’000 dans tout le pays… Ce sont des groupes de familles qui se réunissent pour partager la parole de Dieu. Ces chrétiens de base sont très actifs: ils ne font pas que prier, ils s’engagent socialement, aident les pauvres en dehors de leur communauté, visitent les malades et ceux qui souffrent, sans distinction. Ils ne le font pas sur un ordre venu d’en haut, mais tirent les conséquences de la lecture de l’Evangile. Les Africains utilisent davantage le cœur».