L’ancien secrétaire d’Etat récompensé pour son film «Faim et abondance»

Olten: Remise du Prix catholique des médias 2012 à David Syz

Olten, 27 juin 2012 (Apic) C’est dans une ambiance de fête, dans une église du couvent des capucins quasiment comble qu’a été remis le 27 juin à Olten le Prix catholique des médias 2012 à David Syz, pour son film «Faim et abondance» (Hunger – Genug ist nicht genug). Cet ancien grand patron, qui a travaillé notamment chez Electrowatt et au groupe SIG (Société industrielle suisse) avant d’être appelé pour quelques années à diriger le secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), a été récompensé par la Commission pour la communication et les médias de la Conférence des évêques suisses (CES).

Comme président – encore pour quelques semaines – de ladite Commission, le journaliste André Kolly a relevé avec une pointe d’humour que par les temps qui courent, «l’Eglise catholique romaine aurait de la peine à recevoir des Prix internationaux de communication… Par conséquent, elle prend sa revanche en attribuant elle-même des prix à d’autres!»

En réalité, a-t-il concédé, ce n’est pas une revanche, mais une mission que l’Eglise catholique s’est donnée il y a bien longtemps: rendre hommage à la culture contemporaine qui s’exprime par les médias. Il y a 40 ans, l’instruction pastorale «Communio et progressio» invitait les Eglises locales à fonder des prix «à décerner aux meilleures œuvres», et ce sont elles qui sont récompensées en cette journée.

Lors de cette fête des médias catholiques, on notait la présence de l’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui a prononcé une laudatio fort appuyée pour son ancien secrétaire d’Etat, qu’il connaissait depuis l’époque du service militaire, de Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, de Mgr Martin Gächter, évêque auxiliaire de Bâle, et de Mgr Martin Werlen, Père-Abbé d’Einsiedeln et responsable des médias au sein de la CES.

Le Prix «Bonnes dépêches» à trois femmes engagées

En complément du Prix catholique des médias, doté de 4000 francs, les institutions de médias catholiques ont décerné cette année pour la première fois et dans chacune des régions linguistiques le Prix «Bonnes dépêches». Ce Prix de 1000 francs, qui distingue une personne ou un projet qui a su «faire les titres» dans les médias de manière positive, distingue en 2012 trois femmes engagées, dont la religieuse jurassienne Claire-Marie Jeannotat, une cyber-nonne de 89 ans qui anime le blog Katutura sur le quotidien romand 24heures. Ce prix attribué à trois femmes est «un petit signe prophétique» dans une Eglise trop souvent dominée par les hommes, a souligné Simon Spengler, secrétaire exécutif de la Commission pour la communication et les médias de la CES.

Récompensé par la Commission, le documentaire de David Syz porte un regard critique sur la politique agricole actuelle, qui ne permet pas de lutter contre la faim dans le monde, bien que la production de nourriture soit suffisante pour 12 milliards d’humains.

David Syz, un «humaniste concret»

Qualifiant son ancien secrétaire d’Etat «d’humaniste concret», Pascal Couchepin a relevé l’esprit d’initiative de celui qui est allé, à l’âge où d’autres prennent leur retraite, apprendre le cinéma à New York. Il a décidé de faire des films pour faire comprendre au public suisse les avantages et les inconvénients de la mondialisation.

«Il est juste et bon de décerner cette récompense à David Syz», a estimé l’ancien conseiller fédéral, car il fait découvrir aux Suisses une idée positive de l’aide au développement, même dans les milieux qui n’y sont pas toujours très favorables.

Dans son documentaire, David Syz n’en reste toutefois pas à la critique et ne se borne pas à dénoncer la corruption qu’il rencontre dans le tiers monde. Il voit des signes d’espoir et montre des pistes: non seulement dans certaines initiatives politiques, mais aussi dans de petits projets locaux. Relevant au passage qu’il est protestant, David Syz a remercié l’Eglise catholique pour ce prix, et en particulier Action de Carême, qui lui a permis de rencontrer au Sénégal Souleymane Bassoum, coordinateur du programme de l’œuvre d’entraide catholique.

Inciter les gens à agir pour un monde meilleur

«J’ai été tout de suite impressionné par son approche, car il nous a dit: nous ne voulons pas d’argent, seulement de la dignité!». Prenant comme exemple les champs communautaires et les pratiques du dîner commun mis en place par Action de Carême dans le cadre de son programme au Sénégal, David Syz salue un projet entièrement réalisé par la base et qui ne crée aucune dépendance envers des bailleurs de fonds.

Dans son film, le lauréat n’a pas voulu que les spectateurs sortent de la salle de cinéma avec une mauvaise conscience ou un sentiment d’impuissance, mais qu’ils soient incités à agir, à trouver des solutions pragmatiques pour changer les choses.

Une religieuse pas toujours dans la ligne

Au cours de sa laudatio pour le Prix «Bonnes dépêches» pour la Suisse romande, attribué à Soeur Claire-Marie Jeannotat, Laure-Christine Grandjean, responsable de l’information pour l’évêché de Lausanne-Genève-Fribourg, a relevé que cette pétillante religieuse de 89 ans, qui a passé 34 ans de sa vie en Afrique du Sud, s’est illustrée en créant un journal clandestin avec la jeunesse étudiante chrétienne, dans les temps les plus durs du régime de l’apartheid. Depuis, elle n’a cessé de lutter pour plus de justice, notamment aux côtés des requérants d’asile en Suisse.

«Non, vous n’êtes pas dans la ligne lorsque vous critiquez l’institution, ou que vous en critiquez certaines traditions… Vous critiquez la tradition lorsqu’elle est une paresse intellectuelle, un prétexte pour ne pas toucher au statu quo, un moyen d’éviter la remise en cause!»

«Merci pour ce Prix ’Bonnes dépêches’ qui nous encourage à jeter un regard constructivement critique sur nous-mêmes et sur les systèmes et les institutions, et nous encourage à écrire des ’Bonnes dépêches’ plus courageuses et prophétiques», a lancé la religieuse jurassienne, qui a remis son prix à une de ses consoeurs pour soutenir des projets en Afrique.

Pour la Suisse alémanique, le Prix est allé à Sandra Rupp Fischer, «l’âme chantante» du Festival de musique sacrée du diocèse de Bâle «cantars» qui a réuni l’an dernier 8›000 chanteurs, a rappelé Mgr Gmür. Don Italo Molinaro, directeur du Centre catholique de radio/tv de Lugano, a relevé que c’est le public du Tessin qui a choisi la lauréate tessinoise, Daria Lepori, qui anime la campagne d’Action de Carême en Suisse italienne.

Pour une Eglise qui a le visage, la sensibilité et la ténacité d’une femme

«C’est la première laïque et la première femme à assumer cette responsabilité… Cela n’a pas été évident, pour beaucoup de prêtres, d’arriver au vicariat et de découvrir que désormais c’était une femme – Daria – une laïque, qui nous expliquait la campagne œcuménique de carême!» «Dans notre Eglise locale, à mon avis, a-t-il reconnu, nous sommes encore trop cléricaux et pas suffisamment capables de valoriser l’apport des femmes… Le public a choisi Daria peut-être aussi parce qu’il aime une Eglise qui a le visage, la sensibilité et la ténacité d’une femme». (apic/be)

27 juin 2012 | 17:20
par webmaster@kath.ch
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