Une bouffée d’oxygène et de vérité dans un monde de loups
Genève: La «Messe des banquiers» du premier vendredi du mois
Genève, 11 mai 2012 (Apic) Le premier vendredi du mois, des banquiers et des juristes se retrouvent pour célébrer une messe, à l’église du Sacré-Cœur de Genève. Simplicité, partage et vérité rythment cette cérémonie, mise en place en octobre 2009. Reportage dans cette ancienne loge maçonnique du «quartier des banques», reconvertie en église.
Ce vendredi 4 mai, les financiers arrivent au compte-gouttes, seul ou par groupe de deux. D’un hochement discret de la tête, ils saluent leurs connaissances. Costume sombre pour les hommes et tailleur strict pour les femmes sont de mise. Deux jeunes ont opté pour le jeans. Ils détonnent.
12h13, la petite chapelle latérale au lumineux vitrail coloré d’André Brechet est encore bien vide. Un tableau du baptême du Christ de Blanchet aux dominantes brun et bleu orne le cœur. A droite une statue de saint François. A gauche une Vierge moderne en bronze. Une bougie brûle sur l’autel. A ses pieds, des fleurs en plastique hautes en couleurs sont disposées dans un vase.
12h15, l’abbé Pascal Desthieux accueille les participants. Dans son mot d’introduction, le curé de la paroisse voisine de Saint-Joseph invite à prier. D’abord pour Mgr Charles Morerod qui aurait dû les rejoindre aujourd’hui, retenu à Attalens par les funérailles des victimes d’un accident d’avion à Tatroz. Puis pour les banquiers qui ont perdu leur emploi. Enfin pour Patrick et Alain, amis et collègues, morts récemment dans une avalanche en Norvège. Seul le murmure des automobiles à l’extérieur trouble le recueillement.
12h20, les derniers arrivants essoufflés franchissent le seuil sur la pointe des pieds. Au total 20 personnes entre 25 et 45 ans – la parité homme/femme est respectée – ont choisi le silence d’une toute petite chapelle, boulevard Georges Favon à Genève. Un banquier retraité, accompagné de son épouse, s’est joint au groupe.
En marche vers la sainteté
«Tu es mon fils, aujourd’hui, je t’ai engendré». Cette parole du Père, adressée à Jésus, manifeste la paternité de Dieu, d’où nous vient notre filiation, rappelle Pascal Desthieux dans le partage de l’Evangile. Invités à prendre la parole, les banquiers répondent d’abord par un long silence, qui dénote une certaine pudeur. Abandon et ferveur imprègnent l’atmosphère.
Un jeune cadre, au visage déterminé, se lance enfin: «Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure». Avec simplicité, il confesse le bien-être que lui apporte ce message fraternel de saint Jean, dans un monde où il faut se battre pour acquérir la sainteté.
Un collègue renchérit, avouant que l’affirmation de l’Evangile: «Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie», l’éclaire dans ses rapports avec autrui.
La messe du premier vendredi, une respiration
Cette timidité à prendre la parole contraste avec la soif et la participation des présents. Car la «Messe des banquiers» répond à une véritable demande. Pour certains, c’est une respiration, la seule messe du mois. Depuis sa création en octobre 2009, quelque 15 personnes y assistent régulièrement. «85 sont inscrites sur une liste. En dehors des 3 ou 4 piliers, ils sont une quarantaine à venir occasionnellement le premier vendredi du mois», précise Marine, à l’origine du projet avec son amie Lisa.
Ce dernier s’est imposé comme un éclair, à la lecture d’un encadré dans la presse: «En Suisse alémanique, des banquiers chrétiens se réunissent pour prier ensemble dans ce monde tourmenté». Le choix d’une messe de 30 à 45 minutes s’est imposé, sur le temps de midi. Chaque mois, un prêtre diocésain ou de passage apporte une coloration différente.
L’Eucharistie, plutôt traditionnelle ce jour-là, se poursuit dans un climat d’intériorité et de prière. Personne ne s’impatiente durant ces 45 minutes, ni ne consulte sa montre. 13h. Après avoir chanté le «Regina Coeli» à la Vierge Marie, la plupart se retrouvent dans la pizzeria d’à côté. «Le repas est important pour accueillir et échanger. Il permet un partage plus large», y insiste l’initiatrice du projet. Cette «amitié incarnée» lui vient de ses années d’études à Paris, où elle avait participé à un projet similaire: «Génération Jean Paul II», avec des amis. (apic/ggc)
Encadré
Trois questions à Marine, à l’origine de la «Messe des banquiers»
Apic: Parler de sa foi relève aujourd’hui de la sphère privée. Proposer une messe, comment cela est-il perçu dans le milieu économique?
Marine: Il est souvent délicat d’afficher sa foi au bureau, même si elle fait partie de ma vie. Je n’en parle pas ouvertement mais certains collègues l’ont deviné. Cette phrase de Jean Paul II, à Lourdes en 2004, m’interpelle toujours aujourd’hui: «Femmes, vous êtes les sentinelles de l’Invisible».
La proposition du premier vendredi du mois se fait de bouche à oreille, à l’occasion de discussions plus personnelles. Les banquiers sont heureux de prendre un temps de ressourcement, une fois par mois, et de confier leurs intentions particulières.
Apic: Souhaiteriez-vous proposer une autre activité de ressourcement?
Pour le premier anniversaire de la «Messe des banquiers», nous avons proposé un déjeuner réflexion, tous les 15 jours, en alternance avec la messe. L’initiative n’a pas pris, faute de temps à disposition. Pourtant ce ne sont ni les questions éthiques, ni le désir qui manquent. Avec quelques uns, nous nous rendons aussi à l’Université d’été Ecophilos, à Fribourg, un outil parmi d’autres pour obtenir des réponses à nos interrogations.
Apic: Notre attitude vis-à-vis de l’argent influence notre relation à Dieu. Avez-vous choisi de servir Dieu ou César (l’argent)?
L’un n’empêche pas l’autre. Si l’argent est utile, il n’est pas une finalité. J’avoue que la tentation de laisser Dieu à la porte du bureau est grande. Surtout dans des métiers comme la finance, où nous sommes privilégiés. Et pourtant, c’est souvent en demandant un petit coup de pouce au Bon Dieu, dans le secret de mon cœur au bureau, que des situations délicates se sont dénouées.
Comme chrétienne, je suis dans le monde, sans être du monde. Par mon témoignage, je peux certifier qu’il est possible d’être heureux avec des choses toutes simples, dans des relations vraies et sincères. (apic/ggc)
Les personnes intéressées à participer à la «Messe des banquiers» peuvent s’inscrire à l’adresse électronique premier.vendredi@gmail.com.
Note aux médias: Des photos peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch. Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.