Fribourg: 18’000 personnes touchées par la pauvreté dans le canton de Fribourg
Caritas Fribourg de plus en plus sollicitée
Fribourg, 10 mai 2012 (Apic) Alors que sur le plan économique, le canton de Fribourg se porte plutôt bien, Caritas Fribourg doit faire face à une forte augmentation des demandes d’aide de personnes et de familles en situation de précarité. 18’000 personnes sont touchées par la pauvreté dans le canton de Fribourg, a reconnu mercredi 9 mai la conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre, directrice de la santé et des affaires sociales du canton de Fribourg.
A l’occasion de son assemblée générale mercredi soir à la paroisse du Christ-Roi à Fribourg, l’œuvre d’entraide catholique a reçu les encouragements appuyés d’Anne-Claude Demierre, vice-présidente du gouvernement. Elle a remercié Caritas Fribourg pour «son engagement de tous les instants en faveur des plus faibles et des plus démunis» sans aucune distinction de confession, de nationalité et de statut. Elle a ainsi salué son combat pour une société plus juste et plus intégrative. Pour la conseillère d’Etat, Caritas Fribourg s’est imposée au fil des ans comme un interlocuteur incontournable des autorités pour redéfinir les contours des politiques publiques en faveur des plus faibles et des plus démunis.
L’argent public ne doit pas seulement servir à sauver les grandes banques
Anne-Claude Demierre a également salué le fait que Caritas s’est également engagée «dans un formidable travail de fond, afin d’analyser les causes de l’exclusion et de la pauvreté, de les faire connaître au grand public ainsi qu’aux autorités, et de les combattre». Caritas a trouvé sa place «dans le maillage de notre filet social, avec compétence et dynamisme», en faisant preuve de créativité et d’audace, a poursuivi la conseillère d’Etat. Signe inquiétant: la tendance en matière d’endettement est à la hausse: «Les 300 ménages suivis par votre service de gestion des dettes ont accumulé près de 21 millions de francs de dettes. C’est énorme! Ces indicateurs doivent tous nous interpeller», a-t-elle lancé, en s’adressant à la septantaine de personnes présentes au Christ-Roi.
Dans le canton de Fribourg, a rappelé Anne-Claude Demierre, 18’000 personnes sont touchées par la pauvreté et 6’000 bénéficient des prestations de l’aide sociale. Evoquant les perspectives économiques moroses à l’horizon, la directrice de la santé et des affaires sociales a estimé que les milliards provenant de l’argent public ne devaient pas seulement servir à sauver les grandes banques ou la finance internationale. Il faut également investir dans le social!
Notre filet social doit se renforcer avec ce qu’on lui accorde…
«Notre filet social doit se renforcer avec ce qu’on lui accorde dans les budgets fédéraux et cantonaux. Et cela s’apparente de plus en plus à résoudre la quadrature du cercle… L’accès aux assurances sociales est toujours plus restrictif pour les plus précarisés, qui sortent de l’assurance maladie ou de l’assurance chômage parce que les critères d’admission se sont durcis ou parce que ceux de sortie se sont ramollis. Ces exclus terminent leur course dans la voiture balai de l’aide sociale, ou dans des structures telles que Caritas ou encore l’AI».
Dans son rapport annuel 2011, Petra del Curto, directrice de Caritas Fribourg, a souligné que l’association connaît aujourd’hui non seulement une forte augmentation des demandes d’aide adressées au Service de gestion de dettes et désendettement, mais aussi de celles adressées à la Consultation sociale.
Un exercice financier 2011 quasiment équilibré
L’exercice financier 2011 de Caritas Fribourg présente un résultat quasiment équilibré, avec un léger déficit de quelque 7000 francs pour un total de charges de 1’350’000 francs. Deux nouveaux membres sont entrés au comité de Caritas Fribourg: Mgr Rémy Berchier, vicaire épiscopal, désigné par l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, ainsi que Diego Frieden. Cet habitant Fribourg, âgé de 27 ans, a été élu par acclamation par l’assemblée générale. Economiste au secrétariat central du syndicat Syna à Olten, il oeuvre déjà comme bénévole au service de Caritas Fribourg depuis 2010, en tant qu’écrivain public bénévole.
Diego Frieden est également secrétaire cantonal du Parti chrétien-social du canton de Fribourg. Le comité est à la recherche d’une deuxième candidature représentant la partie alémanique du canton de Fribourg. Deux membres du comité ont remis leur démission: Hans Schreiber, de Morat, et Patrick Marchioni, de Guin.
A la demande de l’Etat de Fribourg, Caritas s’est chargée de faire le lien entre le guichet social «Fribourg pour tous», ouvert en septembre dernier, et les organisations ecclésiales ou proches de l’Eglise qui exercent une activité caritative. Des contacts et une collaboration ont ainsi été établis avec les Conférences de Saint-Vincent de Paul. Pour renforcer l’aide à la gestion de budget dans le district de la Singine, Caritas Fribourg travaille désormais en étroite collaboration avec le service «Budgetberatung» dirigé par Marianne Hauser, à Planfayon.
L’édition 2012 de la CarteCulture, qui permet à des personnes à revenu modeste d’accéder à des prix très réduits à l’offre culturelle et sportive, englobe deux nouvelles communes: Bulle et Courtepin, s’ajoutant à celles du Grand-Fribourg. Caritas Fribourg peut compter, pour la promotion et la distribution de la CarteCulture, sur la collaboration des associations Pro Infirmis, Pro Senectute et Croix-Rouge fribourgeoise, avec lesquelles une convention a été signée.
Le projet d’épicerie sociale a été transmis à Caritas Suisse
Caritas Fribourg a initié en 2011 une étude de faisabilité en vue de l’implantation d’une épicerie sociale dans l’agglomération fribourgeoise. Effectuée en collaboration avec la Haute Ecole de Gestion (HEG) de Fribourg, l’étude avait pour but de déterminer les chances de succès d’un tel projet, tant du point de vue de la viabilité économique que de l’impact social. Beat Renz, président de Caritas Fribourg, a précisé, lors de l’assemblée, qu’au vu des résultats de cette étude – notamment sur la question du besoin effectif d’une telle épicerie et sur celle de son autofinancement -, le comité de Caritas Fribourg a décidé de ne pas poursuivre pour le moment ce projet, ou en tout cas de ne pas le poursuivre seul. Il a transmis l’étude à Caritas Suisse, qui est à l’origine du projet, en vue d’une concertation sur la suite qui pourrait lui être donnée. JB
Encadré
Les demandes d’aide adressées au Service de gestion de dettes et désendettement de Caritas Fribourg sont en constante augmentation:
– nombre de consultations brèves et conseils: 173 en 2009; 224 en 2010; 286 en 2011 (+ 27,7% par rapport à 2010 et + 65% par rapport à 2009);
– nombre de suivis: 279 en 2009; 294 en 2010; 295 en 2011
Le nombre de demandes d’aide traitées par la Consultation sociale est passé de 245 en 2009, à 276 en 2010, et à 460 en 2011 (+ 66%). Cette tendance à la hausse devrait se poursuivre, notamment en lien avec le développement des prestations du guichet social «Fribourg pour tous». En effet, les premiers mois de fonctionnement de ce guichet social ont démontré que Caritas Fribourg est l’organisation vers laquelle le nombre le plus important de personnes est réorienté. JB
Encadré
Soulignant l’importance que l’évêque diocésain, Mgr Charles Morerod, attribue à la diaconie au sein de l’Eglise fribourgeoise, Mgr Rémy Berchier va visiter les Unités pastorales pour les sensibiliser à cette dimension, pour laquelle Caritas joue un rôle de premier plan. Le vicaire épiscopal a alors présenté le défi pastoral et social qui s’invite aujourd’hui: l’arrivée massive dans le canton de familles portugaises depuis l’automne dernier. Célia Lisboa Lopes, auxiliaire pastorale auprès de la Mission catholique de langue portugaise à Fribourg, a décrit une situation qui empire de jour en jour: ces familles fuient une crise économique et sociale de plus en plus insupportable. «Les demandes d’aide à la Mission, d’une manière générale, ont augmenté d’environ 80%. Elle doit désormais fournir une aide sociale débordant largement ses compétences et ses moyens».
«Beaucoup au Portugal font l’expérience qu’au retour de leurs congés, l’entreprise pour laquelle ils travaillaient a été fermée et les salaires ne sont pas et ne seront plus versés», témoigne Célia Lisboa Lopes. Dans l’impossibilité de payer les crédits pour leur maison, les gens perdent leur logement. Ils pensent que la solution est de s’expatrier dans un autre pays et particulièrement en Suisse, un pays qui leur apparaît moins touché par la crise».
Au rythme de 3 à 4 familles par semaine, près de 11’000 Portugais sont entrés sur le territoire suisse en moins d’une année, dont plusieurs centaines dans le canton de Fribourg. «Beaucoup dorment dans les gares, les trains, les voitures, sous des ponts. Ils sont démunis, n’ont aucun bien, pas d’argent, pas de travail. Ils ne disposent d’aucune relation, ni de connaissances en Suisse. Beaucoup ne parlent pas le français… Les enfants ne sont plus scolarisés, mais demandent leur inscription au catéchisme de la Mission. Et toujours plus nombreux sont les baptêmes!»
«Nous ne pourrons pas passer un deuxième hiver de la même manière!»
Certains diplômés, même avec de bonnes qualifications, ont de la difficulté à trouver un emploi en raison de la crise, qui affecte également la Suisse. «Alors, pour survivre, ils n’hésitent pas à prendre le premier travail qui se présente: ils nettoient, ils travaillent dans les métiers du bâtiment ou de l’hôtellerie-restauration. Certains sont prêts à trimer pour des salaires de misère, causant du dumping salarial, ce qui n’est pas sans créer des tensions». La communauté portugaise installée en Suisse, qui s’est montrée jusqu’à maintenant très solidaire, commence ainsi à se diviser. Célia Lisboa Lopes remarque que ses compatriotes continuent à se déplacer de façon précipitée, imprudente, sans penser aux difficultés qu’ils pourront rencontrer, sans contrat de travail et sans connaître personne. «Beaucoup n’ont jamais entendu parler de la nécessité d’un permis de séjour, et ne savent pas que, pour l’obtenir, il faut avoir un contrat de travail. D’autres n’ont jamais entendu parler des assurances obligatoires en Suisse, telles que l’assurance maladie ou l’assurance ménage, par exemple. Nous ne pourrons pas passer un deuxième hiver de la même manière!» (apic/be)