«Nous risquons de subir le sort des chrétiens d’Irak»

Syrie: L’avenir des chrétiens syriens inquiète Mgr Abraham Nehmé, évêque émérite d’Homs

Beyrouth, 13 février 2012 (Apic) «Nous nous sentons totalement abandonnés par les chrétiens d’Occident, et nous risquons de subir le sort des chrétiens d’Irak…» Mgr Abraham Nehmé, ancien métropolite grec-melkite catholique de Homs, Hama et Yabroud, en Syrie, craint pour l’avenir à moyen terme des chrétiens dans le pays. Interrogé lundi 13 février par l’Apic, l’évêque émérite âgé de 84 ans, qui vit au Liban, n’a plus de nouvelles de son ancien diocèse depuis plusieurs jours, les liaisons téléphoniques étant coupées.

L’évêque grec-catholique, métropolite de Homs de 1986 à 2005, vit actuellement au couvent Saint-Antoine de Kfarchima, près de Beyrouth. Il ne parle pas encore d’exode massif des chrétiens de Syrie – où ils sont toujours près de 8% de la population -, mais il indique que «quelques milliers sont déjà partis».

Les gouvernements occidentaux agissent uniquement en fonction de leurs intérêts

S’il reconnaît que certains chrétiens en Syrie ont été ou sont encore trop proches du régime en place à Damas, le prélat d’origine libanaise déplore l’attitude des gouvernements occidentaux, la France en tête, «qui agissent uniquement en fonction de leurs propres intérêts et ne s’intéressent en rien au sort des chrétiens de Syrie».

Mgr Abraham Nehmé relève que les Frères musulmans, qui gagnent partout en influence grâce au «printemps arabe», «ne donnent pas l’impression de voir les chrétiens d’un bon œil». S’ils prenaient le pouvoir, ce serait une menace pour la présence à long terme des chrétiens dans cette région, insiste-t-il. «J’ai la quasi certitude que si les islamistes arrivent au pouvoir, nous ne serons pas à l’aise!» L’évêque salue le fait que des chrétiens occidentaux s’inquiètent du sort de leurs frères du Moyen-Orient, «mais ce ne sont pas eux qui sont au gouvernement!».

Une contestation orchestrée par des forces extérieures au pays ?

La contestation populaire, qui se poursuit depuis un an en Syrie, est orchestrée par des forces extérieures au pays, a déclaré de son côté, dimanche 12 février, le primat de l’Eglise syriaque orthodoxe, Ignace Zakka Ier Iwas. Celui qui porte le titre de «Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient» estime que les troubles en Syrie sont fomentés et organisés «par des forces extérieures et non par les membres de la société syrienne». Selon l’Agence d’information russe «RIA Novosti», le chef de l’Eglise syriaque orthodoxe a fait cette déclaration lors d’une rencontre avec un groupe d’experts russes en visite en Syrie.

Lors de l’entretien qui s’est déroulée dans sa résidence de Damas, le patriarche a notamment exclu l’existence d’une répression à l’encontre des chrétiens syriens. «Les chrétiens en Syrie restent en sécurité, contrairement à ce qui a lieu en Egypte ou en Irak», a-t-il souligné. En décembre dernier, les trois patriarches chrétiens de Syrie, Ignace Zakka Ier (syriaque orthodoxe), Grégoire III (grec-catholique melkite) et Ignace IV (grec-orthodoxe) ont rendu public un appel commun à la paix dans le pays, rejetant toute intervention étrangère.

Sans un dialogue, la Syrie deviendra un nouvel Irak, affirme Mgr Audo

Sans l’instauration d’un vrai dialogue entre les communautés, la Syrie deviendra un nouvel Irak, a affirmé à son tour, lundi 13 février, Mgr Antoine Audo, évêque chaldéen catholique d’Alep à l’agence de presse catholique AsiaNews à Rome. Le prélat jésuite, commentant les attentats à la voiture piégée visant vendredi dernier le siège des renseignements militaires et le QG des forces de l’ordre qui ont coûté la vie à 28 civils et militaires, dont deux chrétiens, souligne l’esprit de solidarité qui règne entre chrétiens en musulmans dans la deuxième ville de Syrie, qui est le principal centre économique du pays.

Lui aussi invite la communauté internationale à favoriser le dialogue entre les factions en conflit et à ne pas promouvoir l’esprit de vengeance. «Appuyer une faction contre l’autre transformera la Syrie en un nouvel Irak. «Ce seront surtout les chrétiens qui en feront les frais!», affirme l’évêque chaldéen d’Alep.

«Ce sont avant tout les familles pauvres qui en font les frais!»

Symbole d’unité et de dialogue entre chrétiens, chiites, alaouites et sunnites, Alep est pour le moment restée en dehors des graves affrontements entre troupes rebelles et régime depuis que les troubles ont commencé il y a tout juste un an. Cependant, relève AsiaNews, la tension monte dans la ville depuis quelques semaines. Mgr Audo souligne que les deux chrétiens tués lors de l’attentat de vendredi s’étaient rendus dans une mosquée située près du lieu de l’explosion pour prier en signe de solidarité avec les musulmans.

Dimanche 12 février, des centaines de personnes de deux confessions ont participé aux funérailles des deux victimes. L’évêque relève que tous les Syriens, sans distinction d’appartenance confessionnelle, souffrent de la violence et de la profonde crise économique qui a mis le pays à genoux. Les sanctions contre la Syrie et le climat de peur ont bloqué une bonne partie de l’activité économique, de la vente des produits alimentaires à celle des médicaments, «et ce sont d’abord les familles pauvres qui en pâtissent!», conclut Mgr Audo. (apic/asian/novosti/be)

13 février 2012 | 17:07
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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