«Je vois que Dieu accompagne ceux qu’Il appelle»

Fribourg: Mgr Charles Morerod nommé évêque de Lausanne, Genève et Fribourg

Fribourg, 3 novembre 2011 (Apic) «La tâche qui m’attend est assez effrayante, mais je vois que Dieu accompagne ceux qu’Il appelle». C’est avec un large sourire et plein de confiance que le Père dominicain Charles Morerod, que Benoît XVI a nommé, le 3 novembre 2011, nouvel évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), a accueilli la presse jeudi en fin de matinée à l’évêché de Fribourg.

Le religieux gruérien de 50 ans se demande s’il n’y avait pas «un peu d’humour divin» dans cette nomination. Professeur à l’Université pontificale St-Thomas d’Aquin, il en est devenu le recteur en 2009. Il pensait donc finir sa carrière académique à Rome. D’emblée, il met les choses au point: il ne va pas tout révolutionner dans le diocèse. Rien ne sera décidé avant le 11 décembre, date de son ordination épiscopale. Le nouvel élu ne promet de toute façon pas des changements radicaux.

«Je n’arrive pas avec un programme tout fait»

«Je n’arrive pas avec un programme tout fait, je dois d’abord découvrir et écouter, pour comprendre…!» C’est que ce diocèse de quelque 690’000 catholiques, avec plus de 300 prêtres et près de 400 laïcs permanents, est complexe: il regroupe quatre cantons – Vaud, Genève, Fribourg et Neuchâtel – qui ont chacun un régime particulier de relations Eglises-Etat.

Mgr Morerod, qui a choisi pour devise une parole de saint Paul, «Mihi vivere Christus est» (Pour moi, vivre c’est le Christ), le reconnaît, la tâche sera rude. S’il avait quelque raison de craindre de prendre une telle charge sur ses épaules, il admet finalement ne pas être si effrayé et avoir des motifs de joie, même s’il doit dès maintenant quitter la carrière académique.

«J’ai déjà une expérience comme prêtre»

«J’ai déjà une expérience comme prêtre. Pendant deux ans, j’étais en paroisse à Saint-Paul (Grange-Canal), à Genève, comme diacre puis comme vicaire, de 1987 à 1989, ensuite en tant qu’aumônier de l’Université de Fribourg, de 1991 à 1994. Pendant l’été, j’ai aussi remplacé un curé dans la campagne américaine, à 50km au sud de Seattle, dans l’Etat de Washington. Pendant 10 ans, j’ai accompagné des jeunes à Moutier, pour la montée vers Pâques. De plus, l’évêque n’est pas tout seul pour accomplir sa tâche!» Et s’il vient de l’extérieur, après ses années romaines, il connaît tout de même le diocèse, visitant ses parents, aujourd’hui à Sorens, à chaque fois qu’il revient au pays. «Je ne suis pas dépaysé en revenant en Suisse!»

La surprise du 18 octobre

«J’ai appris seulement le 18 octobre que j’étais nommé évêque de LGF… Je n’étais pas du tout au courant avant cette date, je n’ai jamais été consulté auparavant!» Si son nom circulait déjà depuis le printemps dernier, le Père Morerod, qui ne cherchait surtout pas ce nouveau ministère, ne s’est jamais imaginé qu’il serait choisi. «Je pense que le Maître général de l’ordre des dominicains ne le voulait pas non plus», admet-il, mais comme c’est le pape qui a le dernier mot…

«J’espérais bien que ce ne serait pas moi», mais le 18 octobre, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, lui a dit: «Quand le pape a vu les noms (sur la liste des candidats à l’épiscopat, ndr), il a voulu que ce soit vous et il vous a nommé», confie le Père Morerod à l’Apic.

Le principal défi que le nouvel évêque voit pour le diocèse est celui de «montrer à beaucoup de monde, qui en doute, que c’est une joie d’être croyant». Lui qui est présent sur Facebook estime que l’Eglise doit se profiler davantage sur les sites internet interactifs, constatant une grande ignorance du public en matière de foi. Il note que les protestants sont beaucoup plus actifs sur la toile dans ce domaine.

Interrogé par les journalistes sur l’accès des femmes au sacerdoce, le théologien a affirmé à ce propos qu’il était absurde de considérer que les hommes seraient supérieurs aux femmes, tout en relevant qu’ils sont bel et bien différents. Il a rappelé la position du pape Jean Paul II sur le sacerdoce féminin, qui a affirmé ne pas avoir le pouvoir de faire autrement, car le Christ, qui avait des femmes dans son entourage, n’avait choisi que des hommes comme apôtres.

Questionné sur le manque de prêtres et la possibilité d’ordonner des hommes mariés ayant fait leurs preuves (»Viri probati»), le nouvel évêque souligne que cette décision, tout comme la question du célibat sacerdotal, n’appartient pas à un diocèse particulier, mais relève de l’Eglise universelle.

«Je ne connais cependant pas l’avenir… Mais la première chose à faire, c’est de montrer que cela vaut la peine d’être prêtre. Le meilleur moyen d’avoir des prêtres, c’est de dire que c’est beau; il faut les aider à vivre et à travailler dans le ministère paroissial». Et pour cela, la charge ne doit pas être trop lourde, «sinon ils risquent de se casser…». Le nouvel évêque souligne encore que l’engagement accru des laïcs dans la pastorale – professionnellement, mais aussi bénévolement – est un développement très positif. JB

Encadré

#»J’ai résisté, puis j’ai accepté!»

«C’est vrai, admet-il, j’ai résisté quand on m’a demandé de devenir recteur de l’Angelicum, l’Université pontificale St-Thomas-d’Aquin, puis j’ai accepté. Alors quand le cardinal Ouellet m’a annoncé la nouvelle de ma nomination comme évêque, j’ai donné mon consentement, car j’avais déjà accepté, il y a fort longtemps, de devenir religieux…» A l’Apic, il confie qu’il a aussi lutté longtemps dans sa jeunesse contre l’idée de devenir prêtre, notamment en raison de l’exigence du célibat. «Je sentais cette vocation en moi… A l’âge de 12 ans, remplissant un questionnaire sur ma future profession, j’avais indiqué ’prêtre’. J’ai lutté contre ma vocation pendant 7-8 ans, j’essayais d’évacuer cette idée. Quand j’étais au Collège, je voulais devenir diplomate, étudier le droit… C’est quasiment à 20 ans que j’ai accepté, tout à coup, et cela n’a plus changé!» JB

Encadré

Nommé évêque de LGF le 3 novembre 2011, en remplacement de Mgr Bernard Genoud, décédé en septembre 2010, Mgr Charles Morerod, recteur de l’Université pontificale St-Thomas-d’Aquin, est également secrétaire général de la Commission théologique internationale depuis avril 2009. Théologien thomiste, Charles Morerod est né le 28 octobre 1961 à Riaz, dans le canton de Fribourg. Il a prononcé ses vœux perpétuels au sein de l’Ordre des prêcheurs (les dominicains, ndr) en 1987, un an avant d’être ordonné prêtre.

En 1994, il obtient son doctorat en théologie à l’Université de Fribourg et, en 2004, son doctorat en philosophie à l’Université catholique de Toulouse. Il a commencé sa carrière académique à Fribourg en 1994, pour devenir ensuite professeur à l’Angelicum, à Rome, dont il a été élu recteur en septembre 2009.

Consulteur de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Père Morerod a été appelé à faire partie des 3 experts romains prenant part au dialogue théologique entre le Vatican et les membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, d’octobre 2009 à avril 2011. Il possède un compte visible sur le réseau social Facebook. Sur son ›mur’, on pouvait lire, bien avant l’annonce officielle de sa nomination, de nombreux messages de félicitations en différentes langues. L’ordination et l’installation du nouvel évêque auront lieu le dimanche 11 décembre 2011, à 15 heures, en la cathédrale Saint-Nicolas, à Fribourg. JB

Encadré

#La CES souhaite la bienvenue au nouvel évêque de Lausanne, Genève et Fribourg

«C’est avec grande joie» que la Conférence des évêques suisses (CES), unie aux catholiques du diocèse, a pris connaissance de la «nouvelle tant attendue» de la nomination du nouvel évêque de LGF. Les membres de la CES souhaitent la bienvenue, en leurs rangs, au Père Charles Morerod. Ils l’assurent de leurs prières et de leur soutien dans ce nouveau ministère, en particulier dans les futures tâches communes au sein de la CES.

Jusqu’à présent, note la CES dans son communiqué, le nouvel évêque occupait déjà de hautes fonctions au service de l’Eglise. Après des années de travail pastoral dans son diocèse d’origine et d’enseignement aux Universités de Fribourg et de Lugano, il a été appelé aux postes de recteur de l’Université pontificale de St-Thomas-d’Aquin (Angelicum) et de secrétaire général de la Commission théologique internationale du Vatican. Les évêques suisses adressent au nouveau venu tous leurs vœux pour cette nouvelle mission, peut-on lire dans le communiqué signé par Mgr Norbert Brunner, évêque de Sion et président de la Conférence des évêques suisses. JB

Encadré

#Le Conseil d’Etat du canton de Fribourg félicite Mgr Charles Morerod pour sa nomination

Le Conseil d’Etat du canton de Fribourg félicite Mgr Charles Morerod pour sa nomination, lui présente ses félicitations et lui souhaite pleine satisfaction dans l’exercice de ses nouvelles tâches. Le gouvernement fribourgeois se plaît à souligner que le nouvel évêque est né dans le canton, à Riaz, qu’il y a suivi toutes ses écoles ainsi que l’Université, dont il fut l’aumônier de 1991 à 1994, puis le chargé de cours de 1994 à 1999.

A Rome depuis lors, il a encore enrichi son parcours personnel de nombreuses autres activités académiques et pastorales, qui lui ont permis d’exercer des missions haut placées au service de l’Eglise catholique, écrit le gouvernement fribourgeois. «Son itinéraire riche et varié et ses écrits sur l’oecuménisme et l’unité des chrétiens, lui permettront d’aborder en pleine connaissance de cause les défis de notre diocèse où vivent ensemble plusieurs communautés religieuses». Le Conseil d’Etat participera, avec les autorités constituées du canton de Fribourg, à l’ordination épiscopale, qui aura lieu le dimanche 11 décembre 2011, en la cathédrale St-Nicolas. (apic/be)

3 novembre 2011 | 15:27
par webmaster@kath.ch
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Lausanne (231)
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